Entretien avec François Jullien

De l’entre et de l’imaginaire

  • About the In-Between and the Imaginary

DOI : 10.35562/iris.1449

p. 121-133

Résumés

Le texte qui suit est un entretien réalisé à Grenoble, le 22 octobre 2015, avec François Jullien, professeur à Paris 7, philosophe, helléniste et sinologue, titulaire de la chaire sur l’altérité à la Maison des sciences de l’homme. Il s’entretient avec Claude Fintz, professeur de langue et littérature françaises à l’Université Grenoble Alpes. François Jullien évoque d’abord des questions méthodologiques ; puis il développe sa conception de l’entretien, du métissage culturel, ainsi que sa critique des notions d’entre-deux et d’imaginaire.

The text which follows is an interview, realized in Grenoble, 22 October 2015, with François Jullien, professor in Paris 7, philosopher, hellenist and sinologist, holder of the pulpit on the otherness to the the House of the Human Sciences. He speaks with Claude Fintz, professor of French contemporary language and literature in Université Grenoble Alpes. First François Jullien evokes methodological questions; then he develops his conception of the interview (entretien), the cultural interbreeding, as well as his criticism of the notions of in-between and imaginary.

Notes de la rédaction

Nous avons choisi de conserver le caractère oral, la syntaxe vivante et le phrasé singulier de la parole de François Jullien. Ce dernier a souhaité que nous en assumions la responsabilité.

Texte

Claude Fintz : Comment, selon vous, faut-il prendre et comprendre l’« entre » : un concept ? une notion ? un opérateur d’analyse (Sibony) ? une matrice pour penser la complexité (Wunenburger et Sibony) ? quoi d’autre ?

François Jullien : L’entre pour moi est un outil stratégique ; donc c’est plutôt de l’ordre du concept, de l’outil mais j’en fais un usage un peu particulier, en tout cas qui ne relève pas de l’entre-deux. À partir de ce paradoxe qui est que l’entre, c’est ce qui échappe à l’ontologie, puisque c’est ce qui n’est ni l’un ni l’autre, donc ce qui n’a pas de propriété, qui est sans en-soi, qui est sans essence, qui échappe à la prise de l’être — et en même temps, c’est là que ça se passe. Ça passe là où ça passe, se passe. C’est le paradoxe de départ dans cette pensée de l’entre et ce qui fait qu’elle a assez massivement échappé à la pensée européenne — en tout cas à la pensée grecque et à ce qui en a suivi. Mon usage m’en vient par la pensée de l’écart : c’est parce que l’écart ouvre de l’entre et c’est dans l’entre que la pensée peut se développer.

Je vais repasser par la notion d’écart, et à la différence que je fais entre écart et différence, qui est importante — non pas pour rejeter la différence, qui est utile mais qui me paraît insuffisante, ou plutôt dont il faut se séparer pour appréhender certaines choses, notamment le dialogue des cultures mais aussi le travail de la philosophie. Différence et écart relèvent tous les deux d’une distinction mais la différence s’appréhende sous l’ordre de la distinction et l’écart sous l’angle de la distance. La différence est conduite à ranger, pour aboutir à une définition plus précise de la chose. C’est la pensée d’Aristote : aller, de différence en différence, jusqu’à l’essence de la chose. La différence est un outil qui sert à saisir une identité et par là à ranger dans une typologie, pour classer le possible (des cultures).

Par rapport à quoi l’écart est un outil, et donc un concept, non pas de rangement mais de dé-rangement, qui est comme faire un écart. L’écart a cette fonction d’ouvrir les possibles et, à partir de là, non pas de déterminer une identité mais d’explorer une possibilité — ce que j’appelle une fécondité.

La différence établit une différence entre deux choses ; si je prends l’exemple célèbre du sophiste et du pêcheur à la ligne : vous voulez distinguer pêcheur et chasseur : vous laissez tomber chasseur, vous avez pêcheur ; si vous voulez distinguer pêcheur à la ligne de pêcheur au filet, vous laissez tomber pêcheur au filet, vous avez pêcheur à la ligne. Donc la différence laisse l’autre de côté, laisse tomber, alors que l’écart maintient l’autre en vis-à-vis. C’est cela qui me paraît essentiel.

C’est là que la fonction de l’entre apparaît : ce qui fait l’écart, c’est que non seulement on maintient l’autre en vis-à-vis, mais il en résulte une mise en tension — et c’est cette tension qui fait travailler. C’est l’idée que l’entre, qui est ouvert par l’écart, est un entre actif, un entre réflexif (parce que l’un se retrouve dans l’autre), peut explorer dans l’autre ses propres capacités … donc c’est là où ça fait travailler.

C’est un concept d’investigation pour rendre compte du divers, un autre non seulement dynamique, mais un autre actif — et c’est à partir de l’entre, à travers l’entre, que l’on peut commencer à produire du commun. Ce qui m’intéresse, c’est comment produire le commun : un travail d’écart, dans cet espace de l’entre qui est celui où, dans la mise en tension, les termes ne sont plus indifférents l’un à l’autre, se réfléchissent l’un à travers l’autre — et surtout sont dans cette tension active.

CF : Pourquoi avoir préféré l’entre à entre-deux ?

FJ : Là est la question essentielle : parce que l’entre-deux suppose que les deux existent et qu’ils se maintiennent comme deux, qu’ils sont installés dans leur propre identité — et l’entre ne me paraît pas intéressant dans ce cas-là. Si l’entre ne remet pas en question le « deux », c’est-à-dire l’un et l’autre, s’il s’agit de l’entre-deux de l’interstice, tout ce qui se glisserait entre des termes ontologiquement consistants et comme tels suffisants, je ne sais pas ce qu’on peut faire avec cela. Ce qui m’intéresse, c’est que l’entre ait un caractère actif, et non rétrospectif, et déborde les termes premiers. Donc, au départ, l’entre n’a pas d’essence, n’a pas d’en-soi — c’est ce qui fait qu’il échappe à la prise ontologique, mais si je dis que c’est là où ça se passe, et que là où ça se passe remet en question les termes de départ. Donc l’entre-deux suppose que les termes de départ soient pleins et ne soient pas atteignables dans ce que l’entre fait travailler — alors que ma position, évidemment, est inverse.

Vous évoquerez ensuite la question du dialogue : si le dialogue, c’est uniquement l’entretien, si l’entretien consiste seulement à se mettre en relation avec l’autre, je ne trouve pas cela intéressant. Je crois que l’entretien a comme fonction de déclore l’un et l’autre, de les déborder et donc de faire que ce qui était au départ l’un et l’autre ne soit plus comme cela. Je trouve donc que l’entre-deux tue cette vertu de l’entre.

CF : Oui, évoquons la question de l’entretien : que fait-on exactement quand on s’entretient, dans les différents contextes sociaux où l’on pratique cet exercice ? Qu’est-ce qui se tient dans l’entre de l’entretien ? Qu’est-ce qui œuvre dans un entretien ? Est-ce qu’on y invente l’autre ? Le fait de le dévisager, n’est-ce pas déjà une façon de l’imaginer ?

FJ : Et vous m’amenez vers l’imaginaire… La logique de l’entretien, c’est que justement, ce qui se passe dans cet entre n’est pas prévisible, n’est pas projetable au départ, mais que, à l’aboutissement, les termes premiers se soient reconfigurés. C’est cela qui fait l’entretien : c’est l’entre qui opère ; c’est que les deux termes de départ se débordent, ne sont plus dans leur périmètre de départ et explorent un possible qu’ils n’envisageaient pas au départ ; ça déborde ma propre exploration, et donc il y a un effet de dépossession de ce point de départ (ou de cette consistance initiale), et, à travers ce débordement, une reconfiguration s’opère. C’est ce qui fait qu’il y a un travail et qu’il y a quelque chose qui se passe effectivement dans l’entretien.

Entre entretien et dialogue, quel est le rapport entre les deux, tel que je le vois ? Dans le cas du dialogue, dans l’usage qu’on lui accorde, comme dans le dialogue des cultures, c’est un terme par défaut […]. Et ce qui me semble pouvoir être suspect dans la question du dialogue, c’est une façon de camoufler ce qui est un rapport de forces, ce qui est la violence en jeu […]. Une chose est marquante à cet égard, c’est que le dialogue des cultures n’a été promu que lorsque l’Europe a perdu sa puissance. Avant une culture était prépondérante, la culture occidentale, qui portait avec elle la vérité, parce qu’elle portait avec elle le triomphe dans l’histoire ; c’est quand l’Occident a commencé à perdre sa puissance qu’il en est venu à cette position du dialogue, comme s’il s’agissait d’une égalité dialoguante des deux côtés.

Je reprends à présent « dialogue » comme terme inévitable, mais en essayant de le charger à nouveau avec le « dia » — qui, en grec, signifie deux choses : le dia de l’écart — et on sait qu’un dialogue est d’autant plus riche qu’il y a de l’écart en jeu (c’est ce que dit Platon) ; il n’existe qu’en fonction de l’écart qui est en jeu et qu’il fait travailler — et puis le dia du cheminement. Car le dialogue implique un déroulement : ce n’est pas de l’instantané, ça chemine dans le discours. C’est cela qui me paraît essentiel : l’écart et le cheminement, et la rencontre des deux. Et le logos qui, pour moi, est le logos de l’intelligible — qui est que ce qui fait l’humain ne se réfère à un Homme qui aurait une essence ; s’il n’y a plus cette ontologie-là, c’est la capacité de l’intelligible, le fait que l’intelligence n’est pas arrêtée mais en procès, qui fait que tout l’humain est intelligible — et toute la production culturelle (elle est en son principe même intelligible).

Si je reviens à l’entretien, il met en valeur cet aspect d’écart, ouvrant de l’entre, un entre réflexif, actif et de cheminement. L’entretien, c’est cet entre qui se tient dans le temps, dans la durée ; il y a quelque chose qui « prend son temps » ; et c’est ce cheminement qui déclôt, déborde les termes de départ, et qui fait que quelque chose s’ouvre du possible qui n’était pas envisageable. C’est une dimension qui est à la fois théorique et éthique, parce que c’est ce déroulement à deux qui fait qu’une possibilité s’ouvre, qui n’était pas envisagée. Donc il y a cette sorte de patience, qui fait que quelque chose peut cheminer entre nous.

Et c’est là que je retrouve la dimension éthique, parce que, dès lors que l’entretien s’instaure, une tension s’organise et une violence se défait ; un travail s’engage qui fait passer d’un négatif de destruction à un négatif actif, qui fait travailler et qui donc, de la désadéquation et de la distance initiale, permet que le jeu se passe, se joue — et donc déconfigure les termes de départ.

CF : Mais y a-t-il toujours de l’écart en jeu dans l’entretien, je parle de l’entretien comme pratique sociale (celle des journalistes, par exemple) ? Ne cherche-t-on pas plus souvent à plaquer une grille sur l’autre qu’à l’envisager ?

FJ : L’entretien, c’est un terme français (je ne crois pas qu’il y ait d’équivalents faciles dans d’autres langues), mais dans ce que vous décrivez, il n’y a pas d’entre — ou il y a un entre d’ignorance. Mais ce n’est pas un entretien : là, aucun travail n’est possible. C’est plutôt une recherche d’informations ; il peut y avoir une apparence dialoguante, mais ce n’est pas dialoguant. Cet entretien, dans l’usage médiatique que vous citez, ne tient pas sa fonction propre. C’est une dérive de commodité médiatique ; avant, on faisait des discours, on écrivait des lettres (la littérature du xviiie siècle connaissait très bien tout cela). […]

Il faut donc bien distinguer les deux : l’entretien qui relève de l’entre et qui fait travailler, par une mise en tension que l’écart organise, avec le vis-à-vis qui se découvre dans ce travail-là, dans un cheminement qui fait avancer ; et puis ce qui en est le semblant, le simulacre, et qui est l’entretien médiatique. À mon sens, c’est une paresse, plus encore qu’une commodité, une paresse qui, au lieu de vous lire et de s’informer, et plutôt que de laisser place à la patience d’une sorte de construction des positions, fait que vous vous informez sans en prendre les moyens effectifs. Donc c’est plutôt une paresse de communicant pseudo-démocratique. Je crois qu’il y a une idéologie à dénoncer dans cette affaire.

CF : À propos du dialogue des cultures, que vous avez déjà évoqué, notre époque paraît autant celle de l’entremêlement généralisé que celle du nivellement et de l’uniformisation. Les différentes tentatives de métissages qui existent (avec son étymologie pessimiste…) ne sont-elles pas des expressions possibles du travail de l’entre dans nos sociétés et, d’une manière générale, vous semble-t-il que le métissage des imaginaires culturels et identitaires se fasse dans le sens d’une inter-fécondité ?

FJ : Cette notion d’entremêlement pour moi fait problème. L’entremêlement, c’est un terme platonicien, qui a son histoire philosophique propre et par lequel Platon pense le rapport à l’autre. L’image de départ, c’est l’entremêlement des lettres dans un mot. Passant du grammairien au dialecticien, ce terme définit le travail du philosophe. On a des genres et ces genres, qui ont leur essence propre, sont entremêlés dans le tissu d’expériences, qui se tissent, se mêlent comme l’entremêlement des lettres en syllabes, des syllabes en mots, des mots en phrases, etc. Ce que je trouve sujet à caution dans cette métaphore de l’entremêlement, c’est qu’il maintient les termes dans leur essence. Vous mêlez tant que vous voulez, mais cela reste dans son identité. Et c’est justement ce que j’essaie de penser dans l’écart : comment cette identité se défait en quelque chose que j’appelle la fécondité. L’entremêlement ne change rien ; il rend compte d’une confusion du sensible et de l’empirique, qui maintient l’identité des essences.

Par rapport à cela, qu’en est-il du métissage ? Est-ce un métissage qui maintient l’identitaire ou est-ce qu’il le confond et le dissout dans autre chose de nouveau, qui n’est pas seulement la résultante de ce qui a précédé ? C’est par rapport à cela que les deux ne me conviennent pas. Si ce maintien des identités précédentes n’a pas eu d’entre actif, c’est l’entre-deux. S’il y a confusion des identités, on est resté dans la problématique identitaire qui ne fait pas travailler. Justement, dans l’entretien, par la fonction du dialogue, par la fonction de l’écart, d’autres possibles apparaissent qui n’étaient pas envisageables au départ et qui sont de nouvelles configurations — que je mets sous le terme de fécondité.

Par rapport aux cultures, je ne crois pas à l’entre-deux, parce que cela signifie que les cultures existent comme telles dans leur identité, qu’il y a du vide qui les sépare et que l’on a comblé comme on peut. Ce n’est pas pour moi de l’entre-deux, qui maintient les termes dans leur identité ; ce n’est pas non plus du mélange qui aboutirait à une sorte de mixte qui serait la nouvelle essence des choses. C’est que — et là il s’agit bien d’écart (et pas de différence) — les différences culturelles s’estompent : tout se standardise, s’uniformise, de même que les différences culturelles entre la Chine et l’Europe sont destinées à s’estomper et à se défaire.

Or l’écart, c’est justement cette capacité de s’écarter, d’ouvrir un écart et donc d’ouvrir une possibilité de divergence, de dissidence. Par exemple, si vous prenez Platon et Aristote, si vous demandez en quoi la pensée d’Aristote est différente de celle de Platon, on va se mettre à ranger — alors que si on me demande comment Aristote ouvre un écart par rapport à Platon, là cela devient intéressant : on va voir que le travail d’Aristote n’est pas seulement la critique de Platon, mais ce qui le dé-range par rapport à Platon et ce qu’il ouvre comme autres possibilités, comme nouvel accès à la pensée et qu’il met en tension avec Platon. Et c’est cette tension entre Aristote et Platon qui est encore actuelle, alors que notre bibliothèque de la philosophie reprend juste la position des écarts. C’est cette tension qui est importante. Soit on voit dans la philosophie, à la façon hégélienne, que le précédent est dépassé mais intégré dans le suivant, soit on voit dans l’histoire de la philosophie comme une juxtaposition d’écarts qui fait encore travailler.

CF : Les derniers ouvrages de Dounia Bouzar peuvent nous donner un terrain d’actualité pour enraciner cette réflexion : elle traite de l’embrigadement des jeunes dans le jihad syrien : que vous inspire ce singulier travail d’entre qui fait franchir, à des jeunes, des ponts pour passer sur une autre rive — tant physique, qu’intellectuelle, symbolique ou religieuse ? Je parle du travail qui est fait par les embrigadeurs, mais aussi par ces jeunes qui acceptent de franchir un pont et de passer sur une autre rive.

FJ : Je ne suis pas sûr que ce soit de l’entre. Je découvre votre question et là, vous me dé-rangez. C’est pour cela que nous nous rencontrons…

L’écart est un terme français qui n’a pas d’équivalent en anglais : « écart » traduit en anglais, c’est gap — et gap est le contraire d’écart, son équivalent mais son contraire, puisque gap dit le fossé (comme quand on prend le train, on fait attention à la marche entre le train et le quai). L’écart, ce n’est pas cela du tout : c’est ce qui met en tension les termes qui sont séparés et les fait travailler en les mettant en regard.

Dans ce que vous dites, il me semble que ce n’est pas de l’entre ; ce qu’il faudrait faire avec ces jeunes, c’est ouvrir de l’entre, s’entretenir avec eux et, dès lors qu’on commence l’entretien, tout est gagné : vous me parlez du jihad, si vous engagez un entretien avec un néophyte, il est clair que sa position va tomber. Sa position n’existe que parce qu’il n’y a plus d’entretien et donc que, du point de vue de son identité, il est muré en elle au point de pousser à l’extrême la logique d’identité. Donc s’il y avait de l’entre, […] par le fait même de l’entre, par le travail qu’il engage, la posture identitaire, que pousse à l’extrême le jihad, s’ouvrirait, se retravaillerait, se déferait. En fait, il s’agit du gap, c’est-à-dire d’un fossé, d’un murage identitaire qui ne peut plus avoir de rapport au reste, à l’autre, que sous la forme d’une fracture de plus en plus tranchée — et qui fait qu’il n’y a plus entretien, plus dialogue (de dia- d’écart et de cheminement).

C’est cela qui est en jeu, c’est qu’il n’y a plus de cheminement possible. La question est justement de savoir comment ouvrir de l’entre avec eux et comment engager ce dia- (d’écart et de cheminement) qui fait que la consistance identitaire projetée, imaginaire, s’ouvrirait, s’éventrerait pour faire apparaître un nouveau possible. Il ne s’agit pas de les reconvertir à nous, il ne s’agit pas qu’ils restent dans une identité fermée, il s’agit que des possibles s’ouvrent, que l’on n’attendait pas, qui n’étaient pas prévus, que quelque chose au départ, qui n’était pas installé, se découvre, chemin faisant, dans le travail engagé.

Dans cette affaire que vous évoquez, je vois le confort de l’entre, le contraire de l’écart qui est le gap […]. C’est ce repli identitaire qui fait qu’il y a impossibilité de l’entretien — ce qui conduit à cette forme de « névrose ». Dès lors qu’il y a entretien, la violence destructrice se défait (ou alors il n’y a pas d’entretien) : il s’engage, il opère, il offre cette possibilité qui est celle d’une reconfiguration des possibles qui n’était pas précédemment envisagée.

Pour moi, il n’y a pas d’écart, il y a du fossé murant des identités ; et après le fossé, c’est le basculement — terme que j’ai récemment travaillé. Qu’est-ce que le basculement ? Il y a ce point d’inversion qui n’est intégrable dans aucune dialectique, alors que dans la dialectique on passe de l’un à l’autre ; il est ce point temporel, non-intégrable dans une logique dialectique, ce trou fait dans une pure temporalité où opère ce basculement. On n’a qu’une métaphore pour le dire, qui est qu’un équilibre s’est rompu : c’est un point d’inversion qui n’est pas intégrable à la logique […] où quelque chose se passe, dont on ne peut plus rendre compte.

Dès lors qu’on pourrait engager un entretien […], on n’en aurait pas fini avec eux (les jeunes embrigadés) mais cela rouvrirait un avenir productif. Il ne s’agit pas de les ramener à notre identité à nous, de les ranger de notre côté : il s’agit de l’entretien qui féconderait la société. Si l’entretien s’engageait avec cette jeunesse, je pense que de ce négatif négatif qui est celui de la destruction, on pourrait déployer un négatif actif qui permettrait de reconfigurer des possibles. Cela passerait par la question de la langue : si l’arabe en Europe devenait une langue de culture, et non pas la langue des immigrés, cela changerait tout. Il y a quelque chose qui tient à ce véhicule-là ; s’il y avait une ouverture de l’entre, entre le français et l’arabe, les choses seraient différentes.

CF : Appartenant à un centre de recherches sur l’imaginaire, je voulais vous poser quelques questions sur cet aspect : tout d’abord, comment les Chinois envisagent-ils l’imaginaire et l’imagination ?

FJ : Je peux vous renvoyer vers un article que j’avais écrit sur la question, repris dans un ouvrage qui s’appelait La chaîne et la trame, aux PUF (cet article reprend un séminaire que j’avais réalisé sur l’imagination en Chine ; l’époque était comparatiste ; maintenant je ne fais plus de comparatisme). La Chine pense que c’est elle qui a inventé la notion d’imagination ; et j’ai été amené à réfléchir à cette notion, dont on sait qu’elle naît obscurément et à contre-courant en Grèce — puisque la pensée ontologique grecque, liée à la pensée de la mimesis, ne porte pas à la pensée de l’imagination. Fantasia est plutôt mal logée ; néanmoins, à la fin de l’antiquité tardive, on voit apparaître quelque chose qui se détourne de la mimesis et qui promeut la fantasia. C’est contre la mimesis que la fantasia a reçu sa promotion des dieux (entre Égypte et Grèce, il y a un dialogue célèbre). La fantasia commence, contre la mimesis, à assumer une fonction positive — ce qu’on appellera plus tard l’imagination créatrice.

Ce qui m’apparaît intéressant du côté chinois, c’est que l’imagination créatrice, cette sorte de fécondité, n’ait pas fait consistance parce que, dans la conception du poétique notamment, c’est sur le mode de l’interaction que la tension génératrice entre le monde et moi (de corrélation, comme toujours en Chine), que la pensée littéraire a conçu ce qui était de l’ordre de l’interaction, engageant des pôles qui, opposés ou complémentaires, procèdent à l’engendrement du poème ou de l’œuvre. Et le reste a un statut négatif, que l’on a connu chez nous aussi, marqué d’inconsistance, de nullité.

Le bouddhisme est intéressant […] car dès lors que le bouddhisme entre en Chine, il y a quelque chose de nouveau et qui est lié à l’affaire du roman, du récit fictif — ce qui est nouveau en Chine. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la pensée chinoise n’a pas su rendre compte de cela. Il y a des romans en Chine, mais les romans sont d’abord lus comme des poèmes, selon des critères tellement installés — qui sont ceux des processus d’engendrement par corrélation du moi et du monde. Au point qu’il a fallu traduire « imagination » en chinois, à la fin du xixe siècle. Ce qui n’était pas dans les termes chinois, c’est « image », « imagination ». C’est là que la Chine découvre à la fois l’Occident et le romantisme, et donc crée ce terme positif d’« imagination », qui introduit une rupture par rapport à ce qui a été la pensée chinoise de l’art et de la littérature.

Quant au second point, l’imaginaire, j’ai une certaine réticence à l’égard de ce terme, pour deux raisons : d’abord parce que, contrairement à une facilité de la pensée, l’imagination est pauvre : elle est plus pauvre que le réel. L’idée est que l’imagination, c’est plus que le réel ; mais le réel, franchissant ses limites, s’aventurant, la vie est tellement plus étrange, incroyable, que tous les romans. Je crois que l’imagination est pauvre ; elle n’a pas du tout la fécondité dont un romantisme facile la crédite.

Je sais que la pensée classique a maintenu l’imagination comme faculté, encadrée par les sensations d’un côté, l’entendement de l’autre (et donc coincée entre les deux) ; chez Kant, l’imagination a cette fonction médiane, d’interface entre le sensible et l’intelligible. La pensée classique a méconnu l’imagination, puisqu’elle la pense toujours du côté de la connaissance et n’a pas de créativité propre. Je pense aussi à Sartre et à ce qu’il appelle la néantisation. Je me demande s’il ne reste pas du mythologique dans notre conception de l’imaginaire ; c’est pour cela que je préfère les termes d’exploration des possibles, qui supposent de s’écarter, d’inaugurer — et donc d’accès à la pensée. Je ne suis pas sûr que le terme d’imaginaire ne soit pas un peu mythologique.

Cela pose une autre question par rapport au centre de l’imaginaire — et là on retrouve une question de typologie. On est tenté de classer les possibles — donc d’abord de les limiter (c’est le propre de l’anthropologie), de les penser en termes de différences, et de là d’en faire des typologies. Quels sont les possibles qu’on va juxtaposer les uns aux autres et qui vont laisser une sorte de panoplie ? C’est là contre que je travaillerai, car cette dimension de panoplie, de typologie globale des possibles (que ce soit des cultures ou de l’imagination) me paraît un peu stérile parce qu’on met en boîte, on range à partir de différences qui seraient constitutives. Ce qui m’intéresse entre les cultures, c’est justement qu’il n’y a pas de cultures dénombrables et rangeables ; elles sont indéfinies.

Par rapport à l’anthropologie et à la pensée de l’imaginaire, où on classe les possibles, que fait l’anthropologie ? Elle a un projet de connaissance : ce n’est pas le mien : j’ai un projet de pensée, pas de connaissance. Donc la différence, c’est l’outil de la connaissance, qui permet de classer des différences et de ranger en panoplies : c’est ce que fait l’anthropologue par rapport au dialogue des cultures.

Mon propos est autre, en tant que philosophe, c’est : quel usage puis-je en tirer ? En quoi cela fait-il ressource en termes de fécondité ? Dès lors où vous avez rangé en panneaux, en panoplies, la fécondité disparaît, c’est l’identité qui est en jeu. Ce qui m’intéresse en tant que philosophe dans le dialogue des cultures, c’est : en quoi ce divers fait-il ressource pour moi, sujet pensant ? Il ne s’agit pas de possibles définis, dénombrables, qu’on pourrait clore et encastrer dans une panoplie : il s’agit de possibles indéfiniment inventoriables, explorables, exploitables (c’est mon registre), en tant que ressources pour tout sujet pensant aujourd’hui — et là, on a la question de l’universel.

CF : Dans ce travail de construction des ponts, dans ce travail d’intelligence, qui consiste à mettre en lien, est-ce qu’il n’y a pas là quelque chose qui relève malgré tout de l’imagination créatrice, qu’elle soit individuelle ou collective ? Quel lien entre l’intelligence et l’imagination ?

FJ : Je ne suis pas sûr de la métaphore du pont ; le pont c’est comme l’entre-deux. J’utilise ce terme pour ceux qui m’ont précédé. J’ai dit, par exemple : les Stoïciens ont ouvert un pont ; si je cherche des ponts (les ponts, c’est utile !), je ne suis pas quelqu’un qui construit des ponts — pas du tout. C’est rétrospectivement que je me dis : il y a des ponts. Je vois des paysages, des rivières, des continents séparés — et des ponts qui les relient. Donc c’est rétrospectif. Parce que le pont maintient deux espaces avec un gap entre les deux, un channel — et puis il y a cette possibilité de jonction. Mais cette jonction ne touche à rien, puisqu’elle maintient les deux localités dans leur identité.

Rétrospectivement, en me retournant sur le passé, si je me demande ce qui peut « faire pont » entre la pensée chinoise et la pensée grecque, je dirais : le stoïcisme, parce qu’il se décale de la pensée de l’être, parce qu’il pense la Physis, parce qu’il pense la morale en termes de morale sociale, parce qu’il pense au Sage comme absolu. Tout cela consonne avec des choses que je vois en Chine et peut prendre en charge beaucoup de choses du côté chinois.

Donc « faire pont » ne signifie pas qu’il y a des ponts ; je ne me vois pas du tout comme un fabricateur de ponts, avec l’idée d’être un passeur entre les cultures. Je ne suis pas un passeur : je ne transgresse pas, je ne transporte pas ; je fais autre chose, qui est de réaliser un champ réflexif entre les cultures, de façon à faire voir des écarts qui produisent du commun, donc une vraie forme d’intelligence. Et en tant que philosophe, il s’agit de décatégoriser pour recatégoriser, donc d’élaborer des concepts prenant en compte cette diversité des possibles.

Et la question est : et l’imaginaire là dedans ? Je le conçois comme une forme d’intelligence, d’intelligence qui n’est pas finie, qui est en chantier — donc qui n’est pas celle de l’entendement kantien.

Et mon travail, pour une part, est une critique des catégories de Kant, que j’avais lu quand j’étais adolescent : elles me paraissaient aller de soi (substance, causalité, existence et non-existence, etc.) comme concepts-souches de l’esprit humain. Passant en Chine, je me suis rendu compte que causalité ce n’est pas consistant, existence et non-existence non plus, parce que ce qui est intéressant en Chine se situe entre il y a et il n’y a pas : il n’y a pas de pensée de l’être, pas de pensée de la substance, pas de pensée de l’existence contre la non-existence, mais une pensée du vague, du flou, de l’indistinct.

Donc je vois cela comme une fonction de l’intelligence exploratoire se décatégorisant — que l’on peut mettre sur le dos de l’imaginaire, mais je ne suis pas sûr que « image » soit la bonne médiation, parce que l’image nous maintient, de façon kantienne, entre sensible et intelligible comme interface, avec une énigme : comment le sensible rencontre-t-il l’intelligible ? Et l’imagination, c’est cette interface où une face est sensible, l’autre est intelligible. Il y a une sorte d’interface dans l’esprit humain : on ne sait pas pourquoi, comment ça se passe mais ça se passe. Moi, je vois cela en termes d’intelligence, au sens de capacité d’inter-legere, c’est-à-dire d’ouvrir la compréhension, avec une intelligence qui n’est pas finie, achevée, qui n’est pas faite de catégories (au sens kantien du terme — concepts-souches, donc définitifs) — qui est en chantier. Plus une intelligence traverse d’intelligibilités diverses, plus elle se promeut ; donc c’est l’intelligibilité à promouvoir qui déploie l’intelligence. Je ne sais pas que faire de l’imaginaire là-dedans — notamment dans son rapport à l’image.

CF : Encore une question, concernant le domaine — large — de l’imaginaire : vous dites refuser les arrière-plans métaphysiques et mythologiques, ainsi que toute inféodation à quelque grand récit que ce soit ; mais qu’en est-il alors de la question de la spiritualité, ce pan de l’anthropologie, qui fait écart : doit-on l’abandonner à ceux qui l’exploitent, à contre-sens d’une éthique de l’entre qui serait inter-fécondante ?

FJ : Là il y a un gros travail à faire ; ce n’est pas de l’abandon. C’est comment reconfigurer ce que nous appelons aujourd’hui le spirituel. Quand on parle de spirituel aujourd’hui, on est un peu inquiet, maladroit ou un peu suspect. Mais en même temps, mon travail c’est d’explorer cela.

J’entends par spirituel l’ouverture de l’infini, mais au sein du fini. Ce n’est pas un spirituel en rupture avec le fini, mais c’est au contraire de voir comment le spirituel est une ouverture d’infini au sein du fini. C’est ce que j’ai essayé d’explorer avec la question De l’intime (Jullien, 2013) — et notamment dans son rapport entre le sensuel et le spirituel. On peut concevoir le spirituel comme détaché, voire opposé au sensuel et au sexuel ; il y a donc un amour spirituel, détaché des pulsions, qui serait un amour platonique. Ce qui m’intéresse, au travers de cela, c’est comment il faut être vigilant, attentif à ce qui sauve le spirituel dans le sensuel, au sein du sexuel : dans la pénétration « physique », quelque chose s’ouvre, se dégage, devient possible, qui est une infinité d’autant plus sensible qu’elle opère au sein du sensible. Par exemple, ce qui m’intéresse dans la pensée chinoise, c’est de voir à quel point le paysage, c’est une ouverture par évasement, décantation, dégagement spirituel — mais sans quitter les montagnes et les eaux, et donc l’inscription physique.

Il me semble qu’il y a à repenser la question du spirituel — essentielle comme ouverture d’infini, donc d’inépuisable en termes de possibles, d’inépuisables expériences au sein du sensible, au sein du physique, au sein du passionnel. Pour moi, l’intime et le paysage sont deux cas d’ouverture d’un spirituel sans dualisme. […] Dans le paysage, c’est le lointain sans fond qui, par dégagement (ce qu’on a appelé « aura »), ouvre cette dimension d’infini au sein du fini.

Donc non plus penser le spirituel dans un dualisme classique, qui non seulement oppose mais valorise l’un au détriment de l’autre, mais penser une séparation qui ne quitte pas. Le spirituel se sépare car il y a de l’autre en jeu, mais c’est un autre qui n’est pas dans l’opposition du spirituel et du sensuel ; c’est une opposition qui n’est pas définitive, exclusive, mais qui s’ouvre — où quelque chose d’autre s’ouvre et ne s’en disjoint pas. Cela revient à penser des oppositions sans dualisme : c’est une chose que la raison aujourd’hui a à faire.

CF : Votre discours est tissé de métaphores : les cultures représentent, selon vous, un « gisement » qu’il faut « exploiter » : un « filon », etc. Le travail de l’entre induit-il une poétique spécifique ? avec quelles valeurs sous-jacentes ? Dans votre travail de chercheur de l’entre, parvenez-vous à échapper à l’emprise de l’imaginaire ? N’êtes-vous pas poète autant que penseur ?

FJ : Une poétique de l’entre, alors : pas de l’entre-deux ! Il faut laisser l’entre dans une position de suspens, parce que c’est le suspens de l’entre qui est intéressant : l’entre qui se cherche, qui ne sait pas entre quoi il est — et qui le fait travailler.

Ma question est, notamment quand on traduit : comment ouvrir ma langue ? Ouvrir ma langue, c’est-à-dire la déconfigurer et la reconfigurer, l’assouplir, la défaire, la fondre (comme on dit qu’on fond quelque chose pour trouver du liquide). C’est un travail qui, dans la langue, est borderline : qu’est-ce qui est possible (car il faut rester intelligible) ? Qu’est-ce que je peux défaire dans ma langue, en tout cas dans ma syntaxe ? Je suis dans un travail d’écriture (je préfère écrire que parler) qui est de refondre ma langue pour la rendre disponible à de nouveaux possibles.

Est-ce que c’est de la poétique ? Il y a du poiein, ça c’est sûr ; mais est-ce que c’est lié à de l’imagination, cela je n’en suis plus sûr du tout. La langue française est une langue très construite — et j’aime cette capacité constructive du français —, mais c’est une langue qui impose énormément de choix. J’ai une stratégie en écrivant, qui est de défaire discrètement certaines constructions ou certaines impositions de la langue, pour la rendre de nouveau disponible pour dire des choses qu’elle ne savait pas dire ou qu’elle est maladroite à dire ou qu’elle pourra mieux dire si on la défait de certaines raideurs (qui ont leurs effets propres de construction) ; tout cela pour la rendre moins gourde à certaines choses qu’elle ne sait pas dire, où elle est malaisée, handicapée.

Dans le travail de la langue, faut-il introduire la notion d’imaginaire ? Je résiste à cela. En revanche, quelle est cette négociation continue — car il faut rester intelligible dans sa langue mais ouvrir sa langue ? Ce n’est pas une question d’identité du français, c’est une question de communication et de correction de la langue — sinon elle n’est plus intelligible. Il y a cette correction mais comment jouer (jouer : donc c’est stratégique) à la limite de cela, pour à la fois rendre cette langue plus disponible, et par là la renouveler ? Sinon le français est mort : s’il reste dans son identité de langue française, c’est une langue morte. Il faut donc la travailler : l’argot travaille le français, la langue des banlieues travaille le français, les langues étrangères travaillent le français, mais on peut le travailler du dedans ; que ce ne soit pas par un extérieur social, que ce soit par une difficulté à dire, qui conduit à retravailler sa langue pour la rendre plus disponible, plus adroite, moins gourde, pour arriver à dire ce qu’elle n’est pas portée à dire, parce qu’elle n’est pas à l’aise pour le dire.

Donc poète, oui, au sens du poiein, au sens « il faut faire cela » et c’est en le faisant que c’est possible : il faut faire dans la langue, opérer. Mais l’imaginaire m’apparaît comme une sorte de grand sac où l’on jette ce qu’on n’a pas réussi à penser et qui peut être très hétérogène. Quant à « imaginaire », ce -aire, ce suffixe qui est d’ouverture, de rêve, je me demande si ce n’est pas un peu mythologiste, je veux dire une sorte de terme un peu fourre-tout (comme a servi, à une certaine époque, l’intuition), dans lequel on met des choses assez diverses — plutôt pour s’en débarrasser que pour les penser de façon plus précise.

Poétique : c’est du fonctionnel, du poiein dans la langue : c’est un terme extrêmement rigoureux et la langue ne cesse de faire et de se défaire pour se faire, donc de se retravailler — et ce n’est pas seulement la poésie : le poiein du poétique est cette capacité d’opérer dans la langue, de défaire pour refaire : mais ici « refaire » n’est pas refaire le précédent (répéter), c’est inventer un nouveau possible langagier. Et cela me paraît décisif — et inséparable de penser ; c’est forcément les deux en même temps, et c’est vrai pour tout penseur car on pense toujours en langue. Comme pour le philosophe : il parle ; il y a un discours, un logos et ce logos est forcément inventif dans le langage.

CF : Merci beaucoup, François Jullien.

Bibliographie

Jullien François, 2004, La Chaîne et la trame. Du canonique, de l’imaginaire et de l’ordre du texte en Chine, Paris, PUF, coll. « Quadrige ».

Jullien François, 2013, De l’intime. Loin du bruyant Amour, Paris, Grasset.

Citer cet article

Référence papier

François Jullien et Claude Fintz, « De l’entre et de l’imaginaire », IRIS, 37 | 2016, 121-133.

Référence électronique

François Jullien et Claude Fintz, « De l’entre et de l’imaginaire », IRIS [En ligne], 37 | 2016, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=1449

Auteurs

François Jullien

Université Paris-Diderot – Paris 7, titulaire de la chaire sur l’altérité à la Maison des sciences de l’homme

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Claude Fintz

ISA/LITT&ARTS, Université Grenoble Alpes

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