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Raison, Entendement et Philosophie

Published online by Cambridge University Press:  09 June 2010

Georges Kalinowski
Affiliation:
C.N.R.S., Paris

Extract

La récente étude du R.P. Dubarle sur la dialectique hégélienne est trop riche pour être discutée ici dans son ensemble. Nous nous contentons par conséquent d'en relever une seule thèse, celle précisément qui rattache la philosophie moderne, ou plus exactement certaines des philosophies modernes (nous y reviendrons), à la distinction entre la raison et l'entendement, qui s'est progressivement substituée au cours du XVIe s., du XVIIe s. et du XVIIIe s. à l'ancienne distinction, élaborée déjà par la Grèce antique, entre l'intellect et la raison. Cette thèse joue un rôle fondamental dans l'étude du R.P. Dubarle qui se propose en dernier lieu la formalisation non pas de la logique hégélienne mais de la logique des termes (noms) inspirée par l'œuvre de Hegel. Nous ne discuterons pas ici la réalisation de ce projet. Notre propos présent n'est qu'une interrogation sur la correction de la présentation dubarlienne de la distinction en question, une confrontation, en rapport avec celle-ci, entre ce qu'on peut appeler « la philosophie de la raison » et « la philosophie de l'intellect », et, en conséquence, une suggestion sur la voie à suivre pour construire la théorie de la philosophie: la métaphilosophie.

Type
Critical Notices—Études Critiques
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 1974

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References

1 Dubarle, D., Dialectique hégélienne et formalisation (Logique et dialectique par D. Dubarle et A. Doz, Paris, Larousse, 1971, Ire partie, pp. 1200)Google Scholar. Nous prendrons en outre en considération, dans la troisième partie de cet article, les Réflexions sur la méthode de la philosophie du même auteur (Archives de Philosophie 34 (1971) pp. 529537.Google Scholar

2 A ce propos voir id., Logique formalisante et logique hégélienne, p. 113s. (Hegel et la pensée moderne, ouvrage collectif, Paris, P.U.F., 1970, pp. 113159).Google Scholar

3 Voir D. Dubarle, Dialectique hégélienne et formalisation, principalement ch. I: 1.3, 1.3.1., 1.3.2, c'est-à-dire pp. 35–48, et tout le chapitre III, c'est-à-dire pp. 83–114.

4 O.c., p. 83.

5 Ces termes ne sont pas heureusement choisis, car pour Aristote et Thomas d'Aquin ainsi que pour les très nombreux auteurs anciens et modernes qu'ils ont influencés, il s'agit des ἕξεις, des habitus qui sont bien autre chose que des habitudes ou régimes.

6 Voir Sancti Thomae de Aquino Quaestiones disputatae de veritate, Romae, ad Sanctae Sabinae, 1970 (édition léonine), X, 5, ad 4 (p. 309b). Saint Thomas emploie souvent le terme « mens » dans le sens restreint pris en considération dans notre texte, en l'utilisant pour désigner uniquement la puissance supérieure cognitive de l'homme: yoir par exemple o.c., X, 4, respondeo ou X, 5, 3.Praeterea. Mais il confère également à ce terme un sens large: « mens » désigne alors simultanément les deux puissances supérieures de l'homme: sa puissance cognitive, appelée « intellect » ou « raison » selon la fonction qu'elle remplit, et sa puissance appétitive, c'est-à-dire la volonté: voir par exemple o.c., X, 1, ad 2 in fine. L'identité de la puissance appelée, à cause de ses deux aspects fondamentaux, tantôt « intellect », tantôt « raison » est affirmé entre autres dans la Somme de théologie, I, 79, 8; voir aussi II, 83, 10, ad 2.

7 Le R.P. Dubarle les évoque à la page 84 de son étude.

8 Nous parlons des jugements analytiquement évidents au sens défini par Thomas d'Aquin dans In Analyticorum Posteriorum Expositio (l.IX) où l'Aquinate commente Analytica Posteriora (I, 4) d'Aristote.

9 A ce sujet voir Kalinowski, G., La théorie aristotélicienne des habitus intellectuels (Revue des sciences philosophiques et théologiques, 43 (1959), pp. 248260.Google Scholar

10 A ce sujet voir la classification des inférences et des raisonnements de K. Ajdukiewicz, que nous examinons en détail dans Le raisonnement juridique: état actuel de la question (Archiv für Rechts-und Sozialphilosophie, Beiheft, neue Folge Nr 7, Die juristische Argumentation, 1972, pp. 17–42), pp. 23–33.

11 D. Dubarle, A. Doz, Logique et dialectique, p. 84.

12 D. Dubarle, A. Doz, ox., p. 47.

13 Paris, Vrin, 1962, 2e éd.

14 Leur «monstration» trouve tout au plus un complément dans des preuves apagogiques: exemple — la célèbre démonstration indirecte du principe de contradiction donnée par Aristote (Mét. Γ, 4, 1005 b 35 - 1009 a 5) dont on peut rapprocher la mise en garde contre la confusion entre le changement et la contradiction, adressée, en 1948, par K. Ajdukiewicz à certains marxistes (voir K. Ajdukiewicz, Zmiana i sprzecznosc [Changement et contradiction], réimprimé dans id., Jezyk i poznanie [Langage et connaissance], Warszawa, PWN, t. II, 1965, pp. 90–106 — à paraître en version anglaise chez D. Reidel).

15 En particulier dans: « Le rationnel et l'argumentation. A propos du Traité de l'argumentation de Chaim Perelman et de Louise Olbrechts-Tyteca » (Revue philosophique de Louvain, 70 (1972), pp. 404418).CrossRefGoogle Scholar

16 Voir entre autres Perelman, Ch. et Olbrechts-Tyteca, L., Traité de l'argumentation. La nouvelle rhétorique, Bruxelles, Ed. de l'lnstitut de Sociologie, 1970, 2e ed.Google Scholar, principalement Introduction et Conclusion, et Perelman, Ch., Droit, morale et philosophie, Paris, L.G.D.J., 1968Google Scholar, collection « Bibliothèque de Philosophie du Droit », vol. VIII, surtout Scepticisme moral et philosophie morale (pp. 73–77) et Ce que le philosophe peut apprendre par l'étude du droit (pp. 135–147). En construisant sa théorie de l'argumentation, Ch. Perelman cherche à récupérer pour la rationalité ce que le scepticisme et les absolutismes de toute sorte, pour reprendre son terme, abandonnent, chacun à leur façon, à l'irrationnel. Si nous ne pouvons pas atteindre au vrai – et nous ne le pouvons pas en dehors de la science, c'est-à-dire dans le domaine de la religion, de la philosophie, de la morale, du droit, de la politique etc. — mettons-nous du moins rationnellement d'accord sur le vraisemblable, sur le probable, sur le possible … dans chacun de ces secteurs. L'intention de l'éminent professeur de Bruxelles est très noble et trés positive. Mais il n'en reste pas moins vrai qu'il admet, sans fondement suffisant, osons-nous prétendre, que les jugements religieux, philosophiques, moraux etc. échappent absolument aux catégories du vrai et du faux au sens fort de ces termes, et qui en est le sens propre. Or cette vue pessimiste des choses ne paraît pas objectivement justifiée. A ce sujet voir nos comptes rendus de Droit, morale et philosophie (Archives de Philosophie du Droit 14 (1969), pp. 337341Google Scholar) et de Le champ de l'argumentation (Archives de Philosophie 35 (1972)Google Scholar.

17 Condillac, La langue des calculs, I, XVI, p. 469a 14–17 (Oeuvres philosophiques de Condillac, t. II, Paris, P.U.F., 1948, pp. 417529).Google Scholar

18 Archives de Philosophie 34 (1971), pp. 529537.Google Scholar

19 Il importe cependant de signaler un ouvrage pionnier de grande valeur, quoique non sans quelques défauts, ouvrage inaccessible, hélas, au lecteur occidental autrement que par l'ample résumé en français qu'il comporte (27 p.) et par notre compte rendu dans le Bulletin Thomiste (XXXVIIe-.XXXIXe Années, t. XI (1960–1962), no 3, 1962, pp. 533540Google Scholar). II s'agit du livre de Stanislaw Kamiński et Mieczyslaw A. Krąpuec, Z teorii i metodologii metafizyki [Sur la théorie et la méthodologie de la métaphysique], Lublin, Towarzystwo Naukowe Katolickiego Uniwersytetu Lubelskiego, 1962. Ses auteurs ne réalisent pas encore le projet de métaphilosophie d'une philosophie déterminée, mais ils s'y acheminent en effectuant de très utiles travaux d'approche. En effet, ils ont considérablement préparé le terrain pour l'élaboration de la méthodologie de la philosophie de saint Thomas.

20 Voir principalement A. Tarski, Le concept de vérité dans les langages formalisés (Tarski, A., Logique, sémantique, métamathématique, Paris, Armand Colin, 1972Google Scholar, collection « Philosophie à l'âge de la science», t. I, pp. 157–269) et id., La conception sémantique de la vérité et les fondements de la sémantique (id., o.c., t. II, sous presse).

21 Piaget, J., Sagesse et illusions de la philosophie, Paris, P.U.F., 1965, collection « A la pensée ».Google Scholar

22 G. Kalinowski, Philosophie, théologie et métathéorie (Recherches de philosophie VIII. La recherche en philosophie et en théologie, Paris, Les Editions du Cerf, 1970, pp. 157205).Google Scholar

23 Piaget, J., Introduction à l'épistémologie génétique, Paris, P.U.F., 1950, t. I, II et III.Google Scholar

24 J. Piaget, Sagesse et illusions de la philosophie, p. 91s.

25 de Ghelllinck, J., Les exercices pratiques de « séminaire » en théologie, Paris, Desclée de Brouwer, 1934Google Scholar. L'auteur y applique l'idée de séminaire universitaire, née en Allemagne sur le terrain de l'histoire, principalement au domaine de la théologie. Mais il va de soi que les principes d'organisation discutés se laissent facilement transposer dans tout autre secteur de recherches. en l'occurrence dans celui des recherches métaphilosophiques.

26 Granier, J., Le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche, Paris, aux Editions du Seuil, 1966Google Scholar, collection « L'ordre philosophique », 1. I, ch. I, § II, voir surtout pp. 73s. et 82.