Revue des sciences religieuses 75 n° 1 (2001), p. 123-134

LA CONTRIBUTION DES EGLISES À L'UNITÉ DE L'EUROPE (*)

I. S'il est un lieu et une ville qui soient à même de nous faire réfléchir sur la signification et l'importance des Églises pour l'unité de l'Europe, c'est Strasbourg. La raison n'en est pas simplement le fait que le Parlement européen a son siège ici, à Strasbourg. Ni non plus le fait que pendant des siècles Strasbourg et l'Alsace ont été une pomme de discorde entre l'Allemagne et la France, qui a provoqué de nombreuses guerres sanglantes, mais qu'aujourd'hui la cathédrale de Strasbourg est devenue le symbole de l'unité entre ces deux pays qui forment le noyau du mouvement d'unification de l'Europe.

Non, depuis de nombreux siècles déjà Strasbourg a été et est une ville européenne, et une ville marquante de l'histoire intellectuelle et religieuse chrétienne. Depuis le milieu du ive siècle, Strasbourg est une ville épiscopale ; avant même Charlemagne, le roi des Francs Clovis y édifia au vme siècle une église dédiée à saint Martin, le patron des Francs établis des deux côtés du Rhin. Dans la cathédrale de Strasbourg, l'architecture gothique médiévale qui monte vers les deux trouva son accomplissement le plus haut. En même temps l'un des plus grands théologiens de la grande scolastique médiévale, Albert le Grand, un savant universel et maître de Thomas d'Aquin y enseigna à plusieurs reprises. Beaucoup d'ordres religieux s'y établirent, mais également des mouvements hérétiques, comme les frères et les sœurs du libre esprit ; la mystique rhénane de la fin du Moyen Age ainsi que l'humanisme y étaient chez eux.

Enfin, Strasbourg a été un haut-lieu de la Réforme au xvre siècle, c'est-à-dire de cet événement qui a conduit à une division spirituelle et religieuse de l'Europe, contre l'intention première des Réformateurs. Il suffit de mentionner le nom du Réformateur Martin Bucer qui, en tant que Réformateur, était également un militant engagé de l'unité des chrétiens. A la Réforme succéda une histoire riche en péripéties durant laquelle tantôt les catholiques, tantôt les protestants