Revue des sciences religieuses 77 n° 1 (2003), p. 43-74
LA CONNAISSANCE NATURELLE DE DIEU EN THÉOLOGIE (1950-2000)
Locution oubliée ou démarche récusée, la connaissance naturelle de Dieu retenait encore, voici un demi-siècle, l'attention générale des théologiens catholiques. Ceux-ci n'avaient plus à la mettre en œuvre, sous la forme dite alors d'une théologie naturelle. Ils en laissaient la charge aux philosophes. En retour, ils devaient justifier, à partir de la foi chrétienne, la possibilité de connaître Dieu par la raison humaine, au moins d'accéder par ce chemin à affirmer son existence. Or, la présente contribution souhaite montrer comment la théologie catholique française, après le concile Vatican II, a plus que délaissé la possibilité d'une connaissance naturelle de Dieu. Elle l'a si rapidement et intégralement rejetée que les rétrospectives de cette période en soulignent l'abandon définitif, quand elles continuent à en parler (1). Les résistances à cette mise à l'écart restent des exceptions dans la théologie catholique française depuis la fin des années soixante.
L'année 1950 garde pour nous une signification particulière par la publication de l'encyclique Humani Generis. Pie XII y rappelait, entre autres, « l'importance que l'Église attache au pouvoir qu'a la raison humaine de démontrer, avec certitude, l'existence d'un Dieu personnel (2) ». Empruntant les termes du premier article de la Somme théologique, le Pape avait d'abord relevé qu'une vérité accessible à
(1) Voir respectivement : C. Geffré, « Silence et promesse de la théologie française », dans Le Christianisme au risque de l'interprétation, Éd. du Cerf, 1983, p. 330-340 ; J. Doré, « Les courants de la théologie française depuis Vatican II », dans J.-P. Jossua et N.-J. Sèd (éd.), Interpréter. Hommage amical à Claude Geffré, Éd. du Cerf, 1992, p. 228-230 - « Face aux disciples de Rahner, faisant une certaine confiance à une démarche autonome d'accès à la transcendance de Dieu, relève l'historien P. Vallin, on aurait des théologiens qui font volontiers de l'œuvre de Jûngel, avec sa réserve sur ce point, un modèle important pour notre temps, après Auschwitz. » (« La France », dans J. Doré (éd.), Le Devenir de la théologie catholique mondiale depuis Vatican IL 1965-1999, Beauchesne, 2000, p. 121.)
(2) Pie XII, Humani Generis, dans Documentation catholique, xlvh (1950), 1162.
