Langage scientifique et langage spéculatif

(suite et fin) (*)

III. Le mode de signification des termes théoriques

1. Le problème

L'épistémologie empiriste stricte, malgré les assouplissements qui lui ont été apportés au cours des temps depuis les débuts du néopositivisme, ne paraît pas capable de rendre compte correctement du fonctionnement du langage scientifique. En privilégiant indûment les termes d'observation, elle bloque la voie à une compréhension satisfaisante du rôle des termes théoriques dans l'activité scientifique. Il faut, semble-t-il, concevoir autrement que ne le faisait l'empirisme néo-positiviste le rapport du langage à l'expérience, admettre que le langage n'est pas de l'ordre de la représentation descriptive mais de l'ordre de l'interprétation, qu'il n'est pas un reflet de la réalité mais un milieu de création autonome par la médiation duquel, certes, nous cherchons à mieux assurer notre ancrage dans la réalité mais qui ne joue ce rôle indicateur que dans la mesure où il possède une productivité propre. Cela ne signifie pas pourtant, bien sûr, qu'il faille rejeter toute idée de régulation empirique du savoir, que l'on puisse s'en remettre entièrement à la logique pure ou qu'il faille invoquer une forme quelconque d'apriorité matérielle que ce soit sous les espèces d'une intuition intellectuelle, d'une théorie des essences, d'une substantifica- tion des catégories ou tout autrement. Le contrôle de l'expérience reste un moment indispensable de la recherche. Simplement, il faut reconnaître qu'il s'agit là d'une procédure complexe, que l'on ne peut ramener de façon simpliste à la simple constatation de coïncidences