Revue théologique de Louvain, 28, 1997, 227-243. Dominique Lambert

Monseigneur Georges Lemaître et le débat entre la cosmologie et la foi*

IV. L'incident de 1951 : un conflit masqué avec Whittaker ?

Le 22 novembre 1951, au cours d'une audience solennelle à l'Académie pontificale des sciences, Pie XII prononça un discours intitulé: «Les preuves de l'existence de Dieu à la lumière de la science actuelle de la nature»84. Dans ce discours, le pape entendait85 «réexaminer sur la base des nouvelles découvertes scientifiques les preuves classiques (de l'existence de Dieu) du Docteur angélique, spécialement celles qui sont tirées du mouvement et de l'ordre de l'univers (S. Thomas, Summa Theologiae, la, q. II, art. 3); autrement dit, rechercher si et dans quelle mesure la connaissance profonde de la structure du macrocosme et du microcosme contribue à renforcer les arguments philosophiques».

L'argumentation principale du discours pourrait être résumée de la façon suivante. (1) Les sciences modernes ont souligné la mutabilité profonde et incessante de l'Univers à toutes les échelles en mettant en évidence les transformations moléculaires, atomiques ou nucléaires. L'homme se découvre donc formé d'un tissu matériel changeant et instable. Dès lors le Souverain Pontife estime que86 «son être et sa subsistance exigent une réalité entièrement différente et invariable par nature». Cet être n'est autre que Dieu lui-même. (2) Les transformations physiques s'effectuent dans une certaine direction: il existe en effet une «flèche du temps» liée au second principe de la thermodynamique et l'Univers «vieillit» en se dilatant à partir d'un état initial de très basse entropie. Tout cela suggère que le Cosmos