Nishida Kitaro, l'École de Kyoto et F ultra-nationalisme

Depuis plus de quarante ans se poursuit une controverse sur le soutien apporté au régime ultra-nationaliste par Nishida Kitaro (1870-1945) et ses disciples de l'École de Kyoto: ses protégés du groupe de la philosophie de l'histoire mondiale Kôsaka Masaaki (1900-1969), Nishitani Keiji (1900-1990), Kôyama Iwao (1905-1993) et l'historien Suzuki Shi- getaka (1907-1988), ainsi que Tanabe Hajime (1885-1962)1. Cet engagement pose des problèmes difficiles dans les démocraties actuelles, la délégitimation de l' extrême-droite et les attentes envers les intellectuels étant à peu près les mêmes au Japon et en Occident.

Comme ils eurent une position bien précise dans les débats politiques de leur temps, il n'est peut-être pas inutile d'en rappeler brièvement les données. Sous le régime impérial (1868-1945), toute personne concernée par la politique devait se situer par rapport à la doctrine officielle, le traditionalisme théocratique shintoïste qui était la principale forme de la doctrine impériale japonaise. Elle combinait une conception shintoïste de la légitimité, une morale de type confucéen et un droit d'origine occidentale. Elle s'articulait autour de formules fixes répétées de façon incantatoire. Son dogme central était celui du Kokutai, «organisme national» ou «entité nationale», ensemble des caractéristiques nationales. Si tous les pays avaient un Kokutai, celui du Japon était unique: il était fait de la connaturalité du panthéon, de la dynastie impériale et de l'ensemble formé par le pays et les sujets. Le Tennô (empereur), «dieu (kami) manifesté sous forme humaine», détenait l'autorité spirituelle et le pouvoir temporel. La «Fondation du Pays» et de la dynastie étant des épisodes de la cosmogonie, la Maison Impériale,