Le sens de la souffrance d'après le livre de Job

Parmi tous les livres de la Bible, c'est sans aucun doute celui de Job qui a exploré avec le plus d'audace le mystère de la souffrance et les questions qu'elle pose à l'homme sur lui-même et sur Dieu. Véritable carrefour où convergent les traditions sapientielle, prophétique et psalmique d'Israël, ce long poème sur le malheur et la justice est devenu l'un des points de passage obligé pour toute enquête théologique sur le sens de la souffrance. Il s'y prête d'autant mieux qu'il est le fruit d'une longue histoire littéraire et qu'il porte les traces de plusieurs essais successifs faits par des croyants pour interpréter le malheur.

La présente étude voudrait simplement dégager les étapes majeures de cette herméneutique, en reprenant l'une après l'autre les strates de la composition du livre de Job : le cadre narratif (Jb 1-2; 42,7-17), l'œuvre du Ve siècle (dialogues et théophanie, Jb 3-31; 38,1-42,6), et les discours d'Elihu (ch. 32-37), complément apporté au plus tard dans le courant du IIIe siècle.

I. - La souffrance du juste dans le vieux conte de Job

Un récit richement stratifié

La légende populaire de Job, née probablement en TransJordanie au deuxième millénaire av. J.-C, fut acclimatée assez tôt en Israël, peut- être même dès les Xe-IXe siècles, à l'époque où prirent forme les plus anciennes traditions du Pentateuque.

On peut en reconstituer facilement la teneur en réunissant le prologue et l'épilogue, presque entièrement en prose, de l'actuel livre de Job. Certains éléments de ce récit remontent à l'état le plus ancien, pré- israélite, de la légende, par exemple les noms de Job et de ses visiteurs, le fait que Job soit présenté comme semi-sédentaire et que les Sabéens et les Chaldéens soient encore décrits comme des peuples nomades, et l'idée d'une cour céleste assistant la divinité.

D'autres traits de la légende actuelle rappellent la geste patriarcale. On peut citer dans ce sens l'évaluation de la richesse d'après l'impor-