Revue théologique de Louvain, 20, 1989, 281-307. Marc Maesschalck
Philosophie et révélation chez Schelling
Pour donner un aperçu du rapport entre philosophie et révélation dans la totalité de l'œuvre de Schelling1, il faut faire face à un double problème: d'une part, la philosophie de Schelling est restée, selon le mot du Père Tilliette, «une philosophie en devenir»2 de 1794 à 1853 et, d'autre part, on observe la récurrence de plusieurs thèmes, dont celui de la révélation. La méthode génétique3, si elle est nécessaire pour appréhender la constante remise en question, est insuffisante pour faire le point sur un thème précis. Il serait d'ailleurs tout aussi erroné de prétendre exposer la doctrine de Schelling sur telle ou telle question, sans saisir en même temps les méandres du cheminement interrogatif4. C'est pourquoi nous proposons une double approche du problème envisagé: diachronique et synchronique. L'approche diachronique permettra de montrer la réception progressive du concept de révélation par Schelling et le débat qu'ouvre ce concept au sein même de la philosophie qui le reçoit comme concept décisif. L'approche diachronique tient compte aussi des sources successives qui alimentent le renouvellement de la pensée schellingienne, de YAufklàrung et du Romantisme aux grandes religions (Mythologies et Christianisme), en passant par la mystique souabe. L'approche synchronique nous aide à quitter la rude avancée de la pensée, pour saisir l'originalité contenue par les dénoue-
1 La recherche d'Adriano Bausola, même si elle donne des aperçus suggestifs sur le cheminement de Schelling, est centrée sur la dernière philosophie, et plus particulièrement encore sur les principes de la Philosophie générale de la Révélation (A. Bausola, Metafisica e Rivelazione nella filosqfia positiva di Schelling, Milan, 1965). Un article de Michael Theunissen donne aussi quelques éléments d'analyse, même si son étude s'appuie essentiellement sur la Freiheitsschrift (1809). Cfr M. THeunissen, Die Dialektik der Offenbarung zur Auseinandersetzung Schellings und Kierkegaards mit der Religionsphiloso- phie Hegels, dans Philosophisches Jahrbuch, t. 72, 1964, p. 134-160.
2 Titre du maître ouvrage de Xavier Tilliette : Schelling, Une philosophie en devenir, 2 tomes, Paris, Vrin, 1970.
3 Méthode employée par X. Tilliette et par J.-F. Marquet (Liberté et existence. Étude sur la formation de la philosophie de Schelling, Paris, Gallimard, 1973).
4 Le livre récent du Père Brito confirme ce jugement, puisqu'il traite de manière génétique le thème de la création (E. Brito, La création selon Schelling, Universum [coll. Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium, 80]. Leuven, Peeters, 1987).
