UN TEXTE PEU CONNU DE F. VON HÛGEL SUR LE PROBLÈME DE DIEU *

I. — Antécédents et circonstances de la rédaction

Le modernisme n'a pas été seulement un mouvement exégétique ; ce fut aussi une tendance philosophique et certains historiens ont même estimé que la doctrine de l'immanence intégrale explique l'orientation de son exégèse. Mais les hommes qu'on a appelés, à tort ou à raison, des modernistes différaient beaucoup les uns des autres et il serait absurde d'uniformiser leur optique. Ainsi, le baron Friedrich von Hiigel, qui passe pour avoir eu des idées d'avant-garde sur la formation du Nouveau Testament, mena sans discontinuer le combat contre l'immanentisme en philosophie, et jamais on ne put constater la moindre hésitation de sa part sur ce point.

En 1902, il écrit à Loisy, dans son français savoureux et plus ou moins incorrect, qu'« il souffrait bien réellement » de ce que son correspondant et Mgr Mignot semblaient « ne rien trouver d'attristant » dans les idées de l'abbé Marcel Hébert. Celui-ci venait de se signaler à l'attention générale par un article de la Revue de métaphysique et de mprale sur la « dernière idole » (entendez : la personnalité divine) (1). En 1903, von Hiigel fait à Londres une conférence sur Expérience and Transcendence dans laquelle il déplore le succès de l'idéalisme et parle avec sympathie de Kierkegaard. Ce texte auquel A. Thorold attachait à juste titre une extrême importance parut en 1906 dans la Dublin Review. En 1907, le baron critique avec véhémence le manifeste libéral d'un « Modern Churchman », le Rev. R.J. Campbell : attitude d'autant plus remarquable qu'il se porte en même temps au secours des exégètes catholiques qui étaient alors au plus fort de leurs difficultés avec Rome.