UN PROPHÈTE DES CONVERGENCES HUMAINES 293

UN PROPHÈTE DES CONVERGENCES HUMAINES (1)

Le P. Teilhard de Chardin est mort subitement le jour de Pâques 1955 à New- York. Loin des catholiques de France, il était parti là -bas pour un exil studieux dans une Fondation scientifique. Quel paradoxe que l'œuvre de ce jésuite ! Ou plutôt, quelle rencontre et quel jaillissement de paradoxes ! Ses écrits se partagent en deux groupes dont le destin contrasté a quelque chose d'ironique. Voilà un paléontologiste qui a rédigé des mémoires techniques ; ils sont imprimés dans les recueils in-quarto de quelques sociétés savantes. Mais qui les a lus ? A peu près personne. En revanche, voilà un prophète dont les confidences ont été chuchotées. Or, tout le monde les connaît. Une armée de dactylographes bénévoles a reproduit sa parole, un réseau d'amis aussi disparates que possible lui a tressé une couronne dont les lauriers ne sont pas artificiels. Et au lendemain de sa mort, tout le monde en France entend le vide comme à la fin d'un concert d'orgue. Le silence révèle soudain quelles furent la plénitude et l'autorité de sa voix. Absent, il prend toute sa stature.

C'était un savant. Un géologue, dit-on quelquefois. Un paléontologiste, serait-il plus juste de préciser. Ses mérites en ce domaine étaient universellement reconnus. Il a présidé la Société française de géologie, il a participé à de nombreuses missions de recherche en Asie et en Afrique, il était membre de l'Académie des sciences. Il fut mêlé à des découvertes retentissantes. Celle de l'Eoanthropus Dawsoni en Angleterre, a été récemment éclaboussée par l'invraisemblable supercherie de la mandibule de Piltdown. Celle du Sinanthrope (homo pekinensis) est d'une sécurité plus grande, bien que certains documents aient disparu, du fait des événements inter-