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Recensions

La présence divine à l'individu d'après le Nouveau Testament

Thomas P. Osborne
Référence(s) :

Nathalie Siffer-Wiederhold, La présence divine à l'individu d'après le Nouveau Testament, Paris, Éd. du Cerf, 2005, Lectio divina 203,437 p.

Texte intégral

1Parler de la présence active de Dieu dans le monde d'aujourd'hui est devenu une opération hasardeuse. Affirmer son intervention créatrice devant la doctrine de l'évolution, sa conduite des événements de l'histoire devant l'analyse politique et économique, ou encore son influence sur des personnes devant les acquis de la sociologie, de la psychologie et de la neuropsychiatrie provoque une réaction de scepticisme devant une foi apparemment marquée d'une grande naïveté. Le langage théologique traditionnel, souvent d'inspiration biblique, est obligé de se mettre en question et de chercher de nouvelles formes pour pouvoir entrer réellement en dialogue avec des femmes et des hommes enracinés dans la complexité de la vie en ce début du XXIe siècle.

2C'est dans ce contexte que l'on peut situer l'intérêt de la thèse de doctorat que Nathalie Siffer (NS) a soutenue en 2003 à la Faculté de théologie catholique de l'Université Marc Bloch à Strasbourg, sous la direction du professeur J. Schlosser, et qu'elle publie ici en version remaniée. En effet, tout en se pliant aux exigences minutieuses d'un travail doctoral, visant à démontrer sa maîtrise des différentes méthodes et des différentes littératures susceptibles d'éclairer le texte biblique, NS aborde de plain-pied la manière de parler de la présence divine auprès de personnes individuelles dans le Nouveau Testament. C'est évidemment là qu'il faut débuter la réflexion fondamentale sur l'action divine dans le monde.

3La délimitation du sujet est très précise. Deux types de formules sont retenues, soit une formule d'accompagnement ou de proximité qui parle de la présence divine avec (meta ou sun) quelqu'un, soit une formule d'intériorité qui exprime la présence de Dieu dans (en) quelqu'un. L'attention se concentre surtout sur le verbe « être » (eimi), mais s'ouvre, pour les formules d'intériorité, aux verbes comme habiter (oikeô) ou demeurer (mené). Dans chaque cas, l'auteur propose un examen attentif des occurrences dans l'AT et dans les autres écrits du judaïsme, en prenant soin de distinguer les genres littéraires et les significations selon les contextes et les corpus littéraires, avant de s'attaquer aux passages du NT.

4Concrètement, NS trouve des formules d'accompagnement dans dix textes du NT, regroupés dans les épîtres de Paul (1 Co 15,10; 2 Tm 4,22), dans le corpus lucanien (Lc 1,28 et Ac 18,9-10 en «parole divine» ; Lc 1,66, Ac 7,9-10 et 10,38 en constatation de la présence de Dieu avec une personne tierce) et dans l'évangile de Jean (3,2; 8,28-29 et 16,32 dans des affirmations soit du bénéficiaire de la présence divine, soit de son interlocuteur). NS en conclut que les formules du NT trouvent leur inspiration dans l'AT. Elles insistent sur la présence divine agissante et engageante, soit de Dieu lui-même, soit du Christ auprès de quelqu'un en vue de le soutenir dans la mission qui lui a été confiée. Cette présence, dont bénéficient concrètement Jésus, Jean-Baptiste, Paul, Marie et Timothée semble continue, voire permanente.

5Alors que, dans le cas des formules d'accompagnement, l'on peut constater une grande continuité entre les occurrences de l'AT et du NT, il n'en est pas de même pour les formules d'intériorité ou d'inhabitation en ce qui concerne les individus. En effet, la formule exprimant la présence de la divinité ne se trouve dans l'AT qu'exceptionnellement et jamais avec «Dieu» comme sujet de la phrase. On ne peut exclure l'élaboration des formules néotestamentaires dans le cadre de la « rencontre entre le motif vétérotestamentaire de la présence de Yhwh au milieu de son peuple et la conception hellénistique de l'âme humaine comme demeure divine» (p. 143). En tout état de cause, on ne peut parler dans le NT d'une formule d'intériorité stéréotypée; au contraire, nous sommes en présence d'une expérience et d'une conviction qui cherchent à s'exprimer.

6Les formules d'intériorité sont repérées dans les écrits pauliniens où elles désignent la présence de Dieu dans le Christ (Col 1,19 et 2,9 ; Ep 1,19-20), ainsi que la présence divine en l'homme (1 Co 6,19 ; Ga 2,20 ; Rm 8,911; Col 1,29 ; Ep 3,17.20; cf. 2 Co 5,19). Dans la littérature johannique, les expressions retenues témoignent de la présence du Père dans le Fils (Jn 10,38; 14,10-11 ; 17,21-23), de Dieu en l'homme (1 Jn 3,24; 4,15-16), ainsi que de Jésus en l'homme (Jn 6,56 ; 15,4-5). Dans la première épître de Pierre, on parle de la présence de l'Esprit Saint dans les prophètes (1,11).

7Pour les écrits pauliniens, NS fait l'hypothèse d'un double glissement par rapport à l'AT. Le Christ ou l'Esprit se voient attribuer des prérogatives d'inhabitation réservées jusque-là à Dieu, et l'inhabitation divine dans un groupe de personnes au pluriel est transférée à l'inhabitation dans une personne individuelle. Paul témoigne d'abord de sa propre expérience, qu'il croit pourtant possible pour tout chrétien authentique, avant d'étendre le motif de l'inhabitation à la communauté ecclésiologique. Caractéristiques de cette intériorité divine sont la vitalité et le dynamisme puissants et énergiques dans la suite de la résurrection du Christ, surtout en vue de l'accomplissement de l'apostolat. Cette nouvelle vie est perçue comme un don qui agit dans la personne humaine tout entière et de manière permanente. Ces observations donnent à NS l'occasion d'approfondir quelque peu la notion de mysticisme paulinien (p. 188-194).

8Dans la littérature johannique, les formules donnent expression à l'immanence réciproque et permanente entre le Père et le Fils, immanence dans laquelle il n'y a ni confusion de personnes, ni disparition de l'altérité. Certains caractérisent cette relation de « communication interpersonnelle permanente ». On reprend les mêmes idées pour exprimer la relation d'immanence réciproque entre le chrétien et Dieu ou Jésus, pourtant en insistant sur le comportement du croyant qui en découle: l'observance des commandements, la confession de Jésus comme Fils de Dieu, l'amour mutuel entre frères et sœurs qui est enraciné dans l'amour divin. Pour NS, la réciprocité de cette relation d'immanence constitue une novation johannique de première importance.

9L'ouvrage est marqué par un grand esprit de clarté pédagogique, comme en témoignent non seulement l'argumentation précise de l'auteur, mais également ses résumés et synthèses, ainsi que la bibliographie sélective (p. 411419) et les index. La préparation du manuscrit a été très soignée; je n'ai repéré que quelques confusions de la consonne mem dont la forme finale n'a pas été respectée, sans doute suite aux multiples transferts et manipulations électroniques que subit un texte de ce genre (p. 35, lignes 7 et 8; p. 239, note 3). Bref, l'étude de NS constitue à beaucoup d'égards une contribution importante au dossier des travaux cherchant à mieux élucider et à comprendre l'expérience que l'on a faite de la présence de Dieu dans et à travers les individus.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thomas P. Osborne, « La présence divine à l'individu d'après le Nouveau Testament »Revue des sciences religieuses [En ligne], 80/4 | 2006, mis en ligne le 16 octobre 2015, consulté le 18 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rsr/2082 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rsr.2082

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