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Brian McGuinness, Wittgenstein. 1. Les années de jeunesse 1889-1921. Biographie. Traduit de l'anglais par Yvonne Tenenbaum

[compte-rendu]

Année 1993 92 p. 680
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680 Comptes rendus

Un vol. 24 x 15 de 397 pp. Paris, Éditions du Seuil, 1991. Prix: 140 FF.

Le premier volume de la biographie de Wittgenstein écrite par McGuinness est paru en 1988. Il est à présent disponible en traduction française. L'ouvrage couvre la période qui s'étend de la naissance de Wittgenstein jusqu'à la publication du Tractatus en passant par l'enfance en Autriche, les études d'ingénieur, le séjour à Cambridge (et la rencontre avec Russell), la retraite en Norvège, la participation à la première guerre mondiale dans les troupes austro-hongroises, la captivité en Italie après la défaite et enfin les études d'instituteur qui suivirent son renoncement à la philosophie.

Le travail de McGuinness est d'abord, par sa rigueur scientifique, celui d'un historien. Il a consulté une masse impressionnante de documents (notamment la correspondance de Russell), les a soumis à la critique afin de retracer de manière précise et détaillée ce que fut la vie de Wittgenstein durant ses années de jeunesse. Mais là n'est pas la seule qualité de l'ouvrage. Il met également très bien en lumière le cheminement philosophique tout à fait singulier d'un des plus grands penseurs de ce siècle. À travers la lecture des carnets intimes de Wittgenstein notamment, l'auteur révèle le lien intime qui unit ce cheminement philosophique à un cheminement existentiel tortueux. Celui-ci, marqué par une crise profonde, amena Wittgenstein à rompre avec Russell et avec la philosophie universitaire de Cambridge, pour se tourner vers ce que, faute d'un mot plus adéquat, on pourrait appeler la mystique. Voilà probablement pourquoi il écrira à propos du Tractatus: «mon ouvrage comporte deux parties, celle qui est présentée ici, et tout le reste que je n'ai pas écrit. Et c'est justement cette seconde partie qui importe. Mon livre trace les limites de la sphère de l'éthique pour ainsi dire de l'intérieur, et je suis persuadé que c'est là la seule façon rigoureuse de tracer ces limites» (cité par McGuinness, p. 349). Le «travail» philosophique est le moyen à partir duquel Wittgenstein dépasse sa crise existentielle. C'est pourquoi une fois ce travail accompli, Wittgenstein renonce à la parole philosophique — l'important est ce dont on ne peut pas parler et qu'il faut taire — pour se retirer comme instituteur dans un village de la montagne autrichienne. Le premier volume du livre de McGuinness s'arrête sur cette retraite. On sait toutefois que le renoncement de Wittgenstein ne sera pas définitif. Il retrouvera l'écriture philosophique et retournera à Cambridge. On attend donc avec intérêt la traduction du second volume de cette remarquable biographie.

Hervé Pourtois.