L'être entre «positivité pure» et «milieu médiatisant».
Réflexions sur quelques notions centrales dans «Der Thomismus als Identitàtssystem»de Gustav Siewerth
Remarque liminaire
La pensée de Gustav Siewerth est — on ne l'ignore pas — d'un accès exceptionnellement difficile. En effet, le langage de Siewerth est d'une obscurité notoire1, qui tient largement, d'une part, au niveau d'abstraction où se situe son discours, et, d'autre part, aux particularités de sa terminologie, composée d'éléments thomistes, hégéliens et hei- deggériens2. Avec le thomisme, Siewerth importe dans sa langue tout le répertoire de la terminologie scolastique traditionnelle, la «substance» et les «accidents», l'«actualité» et la «potentialité», la «participation», etc. La volonté siewerthienne de dire son système dans un langage qui reflète sa conviction philosophique centrale, selon laquelle la réalité est un tout rationnel et foncièrement positif, où la différence et les ruptures ne peuvent être traitées sur le même pied que l'identité et l'homogénéité, produit un style «totalisant» qui évoque assez distinctement la Phénoménologie de l'esprit. Finalement, l'influence heideggérienne explique sans doute le goût de Siewerth pour un allemand étymologi- sant, où les mots sont censés capturer les intuitions primitives d'un «dire primai»3.
Vu ces difficultés, aussi bien que l'état actuel des études siewer- thiennes, qui en sont encore à leurs balbutiements, le présent travail poursuit un but modeste: introduire le lecteur succinctement à la pensée
1 Et reconnue par l'auteur lui-même: «Im Ringen um die ErschlieBung des neuen Bodens mu8 immer manche Dunkelheit der sprachlichen Fassung in Kauf genommen werden» (G. Siewerth, Der Thomismus als Idenîitàtssystem, Francfort/M., Schulte- Bulmke, 21961, p. xxxv). Désormais, sans autre indication, les numéros des pages renvoient à cet ouvrage.
2 Sur le style de Siewerth, cf. les remarques récentes d'E. Tourpe, «Différence ontologique et différence ontothéologique. Introduction à la pensée de Gustav Siewerth 1», in Revue philosophique de Louvain, 93 (1995), pp. 333-335.
3 Ibid., p. 333.
U.C.L.
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