Le philosophe et la philosophie dans le «Dictionnaire des philosophes»*

Ce dictionnaire veut être celui «de tous les pays et de tous les temps», ce qui est, en soi, déjà une entreprise ambitieuse et vaste: 3.500 entrées — 15.000 avaient été prévues — sur près de 3.000 pages.

La rédaction s'explique elle-même sur les critères de ses choix et prévoit des objections possibles. Ainsi, elle refuse tout «a priori dogmatique» en accueillant «toutes les tentatives, tous les essais, toutes les expériences de la pensée: idéalistes et matérialistes, sceptiques, dogmatiques et relativistes, mécanistes, vitalistes et spiritualistes, phénoménistes et substantialistes, ontologistes et nihilistes, etc.» (p.xin). Dans le même sens, elle refuse de «privilégier une philosophie, et notamment une philosophie qui [lui] eût donné la lumière pour comprendre les autres (qui alors n'eussent pas été comprises par elles-mêmes mais par cette philosophie-étalon). . . » (p. xiv).

S'il n'y a pas de telle «philosophie-étalon», il reste, au moins, à définir le philosophe, Là, les auteurs ne veulent exclure personne tout en prenant en considération, à côté des philosophes au sens strict, des fondateurs de religions, des théologiens, des savants, des poètes, des romanciers, des médecins, etc. Une telle ouverture peut comporter des risques en faisant omettre des philosophes de vocation et en introduisent une confusion dans la division du travail entre le philosophe, le savant, le politique, l'artiste. S'il est vrai que la philosophie, l'art, la science, etc. sont des créations de l'esprit, seule la philosophie étudie cet esprit en tant que tel. Et si les savants, les poètes influençaient la philosophie, sont-ils devenus philosophes pour autant? Savoir qui est «philosophe» est certainement l'affaire des philosophes, mais on a l'impression que les auteurs du dictionnaire, qui sont tous des philosophes professionnels, se sont abstenus de circonscrire de façon plus précise, la vocation et la profession de philosophe.

En ce qui concerne les rédacteurs des entrées eux-mêmes, l'Avertissement dit que chaque auteur a gardé «la plus grande latitude pour rédiger les articles qu'il avait choisi d'écrire. Cette diversité, ces différences, ces particularités dans le fond et dans la forme, nous les avons voulues comme le témoignage d'un effort collectif où les cultures et les