L'Église et l'orthodoxie des manuels scolaires au XIXe siècle

Le terme « orthodoxie », malgré ce qu'il a d'un peu vague — disons, en gros : la conformité aux principes de foi et de mœurs, tels que les entend l'Église catholique — peut servir à caractériser l'enseignement, en France et en Belgique, pendant une grande partie du XIXe siècle.

Dans ces deux pays, les seuls dont nous nous occuperons, et dans l'école publique, la seule que nous envisagerons (et nous regroupons sous le nom d'école publique les établissements de l'Université en France et ceux organisés en Belgique par les pouvoirs publics, par opposition donc à l'école libre), on peut distinguer, en effet, nous paraît-il, deux phases dans l'esprit de l'enseignement : la période de l'orthodoxie, à laquelle succède, à partir du dernier quart du siècle, celle de la neutralité. Comme toute distinction de ce type, celle-ci est évidemment fort schématique et grossière, mais elle permet de souligner que, pendant une grande partie du XIXe siècle, ce que l'on a exigé de l'école publique et de ses maîtres était réellement différent, à beaucoup d'égards, de ce que l'on exigera plus tard.

Différent en quoi ? Toujours en voyant les choses fort en gros, et sans introduire toutes les nuances qu'il faudrait apporter entre France et Belgique, entre les différentes époques (et en France spécialement entre les différents régimes), voire en Belgique comme en France entre les différentes régions du pays, on peut, nous semble-t-il, faire ressortir trois points majeurs.

Tout d'abord, ce que l'on attend des maîtres est une attitude orthodoxe non seulement dans leur enseignement, mais dans tout leur comportement — leur vie privée n'étant pas séparée à cet égard de leur vie professionnelle. Le maximum de rigueur sera atteint à cet égard en France lorsque le grand-maître de l'Université sera un évêque, Mgr Frayssinous. Frayssinous, en entrant en charge en 1822, publie une circulaire dans laquelle il déclare :

« Je sais que mon administration doit être paternelle... ; mais je sais aussi que la vigilance est mon premier devoir... Celui qui aurait le malheur de vivre sans religion ou de ne pas être dévoué à la famille régnante, devrait bien sentir qu'il lui manque quelque chose pour être un digne instituteur de la jeunesse. H est à plaindre, même il est coupable ; mais combien ne serait-il pas plus coupable encore s'il avait la faiblesse de ne pas garder pour lui seul ses mauvaises opinions ? »