Ens et bonum convertuntur

Introduction à la pensée de Gustav Siewerth. Ill

L'ensemble de la doctrine siewerthienne de l'être, on l'a vu1, est fondé sur l'idéalité analogique de Y esse thomiste, laquelle est travaillée notamment en fonction de la problématique de la «différence». Siewerth vise pour l'essentiel à montrer que l'être n'est pas dissous dans la diversité des essences, mais également qu'il ne règne pas au-dessus d'elle comme une unité générique indemne de distinction interne2. L'identité de l'être est celle d'une médiation idéale entre l'infini et le fini: Dieu pose les étants dans le milieu énergique de l'idée des idées, Yactus essendi; les étants sont en retour «transcendés» dans l'idée d'être vers Dieu. L'être par lequel Dieu crée ne «subsiste» en effet pas en lui- même, mais dans les étants. Ceux-ci toutefois n'accomplissent pas la perfection idéale que l'être possède de par l'origine divine dont il déflue par mode d'émanation: c'est la raison pour laquelle il y a cette abduction de l'étant à l'être qui renvoie à la perfection de Dieu. L'être médiateur a donc dès l'origine chez Siewerth une «puissance propre» — non pas certes une «subsistance», mais ce caractère d'autonomie presque entitatif, de quasi- «consistance», sur lequel s'appuie la doctrine de l'« auto-scission» de l'Idée d'être dans les essences finies. L'idée d'être reçoit des traits divins: comme «transcendance transcendante», elle n'indique Dieu qu'en tant que les étants se dépassent en elle au-dessus d'elle. Elle a la puissance de la médiation, si bien qu'on peut la croire constituer un «terme» intermédiaire entre Dieu et le monde, comme Keller3 le croit non sans quelque raison. Cet être idéal oblitère, autant qu'il rend possible, la vision de Dieu aux étants. En médiatisant, il empêche en même temps l'aboutissement de la médiation qui est comme «arrêtée» en lui. Il ne se présente certes jamais comme un «concept»