L'esthétique analytique

Quelle que soit la valeur que l'on accorde à l'interprétation générale de l'histoire de la pensée et à l'idée de la « mort de l'homme » présentées dans l'ouvrage de Michel Foucault Les mots et les choses (1), on est cependant obligé de reconnaître que ses vues sur l'itinéraire des sciences humaines en particulier, sont assez convaincantes.

Si « toutes les sciences humaines s'entrecroisent et peuvent toujours s'interpréter les unes les autres » (2), il n'en est pas moins vrai qu'une «vaste dérive a conduit les sciences humaines d'une forme plus dense en modèles vivants [exprimant donc l'homme en termes de fonctions et de normes] à une autre forme plus saturée de modèles empruntés au langage [exprimant ces mêmes phénomènes en termes de signification et de structures] » (8).

Ce mouvement que Foucault nomme une « dérive », bien d'autres l'avaient déjà signalé avant lui. Edmond Ortigues disait : « les formes du langage et le langage des formes ne seraient-ils pas pour notre temps une sorte de 'lieu philosophique' analogue à ce qu'était par exemple au XVIIIe siècle le concept de 'nature humaine' ?» (4). Le langage, quelle que soit la façon dont on ait accès à lui, semble donc bien devenir de plus en plus pour la réflexion l'enveloppant et le préalable par excellence. Il tend à revendiquer, d'une certaine façon, les anciens privilèges de l'idée de l'Être, qui elle sera plutôt évitée, sinon récusée.

La philosophie de l'art actuelle suit, elle aussi, ce mouvement et parfois même semble le précéder et lui montrer la voie. C'est pourquoi nous voulons proposer quelques considérations et remarques sur les esthétiques, en somme très divergentes, qui toutes se veulent des esthétiques analytiques.