Revue des sciences religieuses 77 n° 2 (2003), p. 199-214

HENRI DE LUB AC

ET PIERRE TEILHARD DE CHARDIN : LE SENS D'UNE HOSPITALITÉ

« Vous êtes maintenant un des seuls sur qui je puisse compter pour me maintenir en contact avec la vie intérieure et les pensées amies, en France. Et vous êtes aussi un des rares qui ne s'effarouchent pas des approximations et des maladresses dans la recherche. J'espère que vous resterez toujours cela pour moi », (1) ainsi s'exprime Teil- hard de Chardin, le 1 8 février 1934, dans une lettre dont le destinataire n'est autre que de Lubac. Les deux hommes se connaissaient depuis 1922 et ils auront un ultime entretien en avril 1954, à Paris, lors de la dernière venue en France de Teilhard, quelques mois avant sa mort survenue à New York, en 1955, le jour de Pâques. Cette citation aurait pu, tout aussi bien, avoir pour destinataire le P. Auguste Valen- sin, l'ami intime, le confident par excellence, ou encore Bruno de Solages qui prit une part active dans la révision de certains textes de Teilhard. Nous savons, par exemple, que Mgr de Solages organisa une réunion les 6-8 janvier 1947 dans le Tarn afin de revoir avec Teilhard lui-même, et avec de Lubac, le texte du Phénomène humain. (2)

Si nous signalons ces faits, ce n'est pas pour cultiver l'anecdote mais pour montrer d'emblée la nécessité de nuancer l'affirmation selon laquelle de Lubac n'aurait pris la défense de Teilhard que par pure obéissance, suite à l'injonction de ses supérieurs jésuites soucieux de défendre la mémoire du grand paléontologue. Certes l'affirmation est matériellement exacte, de Lubac s'en est fait lui-même l'écho (3) en regrettant aussi le temps passé et les énergies dépensées dans des polémiques presque inépuisables et souvent violentes. Mais