Revue des sciences religieuses 75 n° 2 (2001), p. 233-255

SAINT FRANÇOIS DE SALES, ANALYSTE ET NARRATEUR

DE LA CONVENANCE ENTRE DIEU ET L'HOMME

L'abbé Bremond a orienté sa lecture de François de Sales autour de deux axes : « Si les premiers livres du Traité de l'amour de Dieu sont comme la charte de l'humanisme dévot, les derniers livres de ce chef-d'œuvre sont la charte du haut mysticisme français pendant le xvne siècle » (1). Dans le présent article, nous nous attacherons surtout au premier aspect, mais nous n'oublierons pas que Monsieur de Genève, dans la Préface de son ouvrage, avait lui-même parlé de l'unité de son livre : « Quelques-uns peut-être trouveront que j'ai trop dit, et qu'il n'était pas requis de prendre ainsi les discours jusques dans leurs racines ; mais je pense que le divin amour est une plante pareille à celle que nous appelons angélique, de laquelle la racine n'est pas moins odorante et salutaire que la tige et les feuilles. Les quatre premiers Livres, et quelques chapitres des autres, pouvaient sans doute être omis au gré des âmes qui ne cherchent que la seule pratique de la sainte dilection, mais tout cela néanmoins leur sera bien utile, si elles le regardent dévotement » (2).

Nous nous intéressons particulièrement au premier Livre du Traité de l'Amour de Dieu, il est riche en définitions et en analyses conceptuelles relatives à l'amour, à la volonté, aux relations entre ces deux fonctions, à l'âme décrite selon ses diverses parties, au lien entre la créature et son Créateur. De telles analyses sont souvent oubliées, tant est forte l'habitude de ne voir en François de Sales qu'un directeur spirituel soucieux de ne parler que de situations concrètes ou un écrivain pouvant exceller, jusqu'à l'excès, dans l'art d'utiliser les images. Quand Louis Lavelle note fort justement que le Traité de l'Amour de Dieu est « une sorte de bible de l'amour » (3), il ajoute