Une lecture géocritique des structures anthropologiques de l’imaginaire

  • A Geocritical Reading of the Anthropological Structures of the Imaginary

DOI : 10.35562/iris.2440

p. 23-35

Résumés

La lecture critique des préfaces successives et de l’ouvrage de Gilbert Durand, les Structures anthropologiques de l’Imaginaire, révèle une anthropologie de l’imaginaire et une perception de l’espace fondée sur une conception d’un imaginaire universel et de structures nécessairement analogues entre les cultures et les mythologies. La géocritique de B. Westphal, les réflexions de Deleuze proposent une nouvelle théorie de l’espace qui laisse place à l’indétermination, la bivalence des symboles et l’hétérogénéité des espaces et des territoires et ils sont venus remettre en question cette théorie durandienne de l’espace paradoxalement très ancrée dans une pensée de la mémoire et du temps et de l’universalisme.

Durand’s Anthropological Structures of the Imaginary and its several forewords draw some anthropology of the imaginary and a specific representation of space. However Durand understands that imaginary is universal and sees analogies in structures, even if they belong to different cultures and mythologies. Westphal’s geocriticism and Deleuze’s works define a new theory of space and underline that spaces and territories could be indeterminate, ambiguous and quite heterogeneous. Their researches raise many objections to Durand’s perception of space paradoxically based upon memory, time and universalism.

Plan

Texte

La leçon des préfaces

La onzième qui est, aujourd’hui, l’édition la plus récente des Structures anthropologiques de l’imaginaire de Gilbert Durand remonte à 1992. Elle présente la particularité de soumettre au lecteur à la fois la dernière version du livre, augmentée d’une annexe sur le système logique de Stéphane Lupasco (évoqué dès 1969), et un choix des préfaces qui ont ouvert les éditions précédentes. Cette option permet au lecteur de se faire une idée assez précise du champ épistémologique que G. Durand a arpenté depuis la parution de son essai, en 1960. Les trois décennies qui se sont écoulées entre cette date et 1992 ont marqué un véritable tournant dans les sciences humaines françaises, pour lesquelles elles ont grosso modo correspondu à Trente Glorieuses un peu décalées par rapport à la célèbre chronologie que Jean Fourastié avait établie pour la sphère économique (1947‑1973). En France toujours, ces trente années ont sans conteste été celles du structuralisme et d’un post-structuralisme triomphants.

À n’en point douter, elles ont constitué l’environnement idéal des travaux de G. Durand, anthropologue, sociologue mais aussi philosophe fidèle toute sa carrière aux amphithéâtres de l’université de Grenoble. Dans la préface de 1969, qui rend hommage entre autres aux travaux de Noam Chomsky, il se réclame d’ailleurs « d’un certain structuralisme » (Durand, 1992, p. xxii). Mais, toutes choses égales par ailleurs, G. Durand commence par s’en prendre au « complexe de culture de l’Occident chrétien et technocrate plaçant comme valeurs suprêmes la science de type physico-chimique et la relation interpersonnelle de type évangélique » et tendant à escamoter « le caractère mythique (donc passible de classification imaginaire) de l’histoire » (Durand, 1992, p. xxii). Les jalons de l’approche durandienne figurent dans la production scientifique de Mircea Éliade, de Georges Dumézil, de Claude Lévi-Strauss, de Gaston Bachelard, d’André Piganiol — archéologue et spécialiste du monde romain, qui est spécialement à l’honneur dans mon université, à Limoges1 —, ou encore de Carl Gustav Jung et de Marie Bonaparte, parmi bien d’autres. On perçoit dans cette énumération succincte le poids de la mythocritique, de l’histoire des religions, de l’anthropologie et de la psychanalyse. La palette des connaissances est grande. En revanche, dès l’introduction de son essai, G. Durand fait part de ses profondes réserves, voire de son aversion, à l’égard de certaines pages que Jean-Paul Sartre a consacrées à l’imaginaire dans des essais tels que L’Imagination (1936) et Baudelaire (1946), où celui‑ci aurait usé d’« épithètes et appellations dégradantes » (Durand, 1992, p. 20), au demeurant prévisibles pour un « auteur fermé à ce point à la poétique » (ibid., p. 20). Cela s’inscrit dans le prolongement d’un jugement prononcé à l’endroit de « l’art sartrien » qui « oscille lui‑même constamment entre le jeu habile et insignifiant de la comédie de boulevard et la lourde tentative de réintégration totale du réel, dans laquelle on retrouve un hyper-naturalisme à la Zola doublé d’une philosophie dans le style de P. Bourget » (ibid., p. 19). De toute évidence, un antagonisme se délinée dès l’introduction entre un souhaitable recours à « la fonction d’imagination » et une problématique « réintégration totale du réel » (ibid., p. 15).

Pour étayer son raisonnement, comme il appert dans la préface à la sixième édition, G. Durand en appelle à la théorie générale des systèmes du biologiste Ludwig von Bertalanffy, désireux de modéliser la réalité, de dégager une théorie unitaire, un isomorphisme généralisé, ou aux travaux de François Jacob sur l’interaction des gènes. Il s’appuie sur les hypothèses mathématiques de René Thom, dont on connaît en particulier la théorie des catastrophes. R. Thom est à nouveau cité dans la préface de la dixième édition, en 1983, à propos du « champ morphogénétique » (ibid., p. xiii), qui participe d’une réflexion sur le champ global, à laquelle G. Durand articule, sur le versant historique et temporel, la notion de « longue durée » de Fernand Braudel. Dans le domaine de la physique, il renvoie aux themata de Gerald Holton dont il souligne l’analogie avec les « schèmes imaginaires » mythanalytiques, dans la mesure où le professeur de Harvard « caractérise un climat d’imagination propre à tel ou tel moment » (ibid., p. xii). Pour G. Durand, ces différentes personnalités s’inscrivent dans le sillage de S. Lupasco et de ses spéculations philosophiques sur une systémique généralisée. Obliquant vers les sciences humaines, l’anthropologue mentionne aussi, sans vraiment préciser la nature du lien qu’il pointe, les « nouveaux philosophes », les « nouveaux sociologues », les « nouveaux psychologues » (comme James Hillman et son élaboration des théories jungiennes sur l’archétype), ainsi que les « nouveaux théologiens » (David L. Miller). Volens nolens, les uns et les autres abondent dans le sens de la mythocritique et de la mythanalyse. On voit que ces références — et il en est maintes autres que les diverses préfaces égrènent peu à peu — nourrissent toutes une réflexion visant à établir une systémique générale et, plus précisément, « une “archétypologie générale” c’est-à-dire un mundus de l’imaginaire qui cerne toute pensée possible y compris la soi‑disant objectivité et les mouvements de la raison » (ibid., p. xiii).

Au fil des préfaces vient se dessiner un réseau de références théoriques qui permet au lecteur de projeter avec grande précision l’anthropologie de l’imaginaire sur la toile de fond d’une transdisciplinarité remarquablement maîtrisée, qui embrasse un bon demi-siècle de recherches tous azimuts. Dans la préface de 1992, G. Durand rend compte de ce parcours, qui s’inscrit dans « la démarche imaginaire profonde du xxe siècle » où se sont succédé les « ruissellements des symbolismes », le « partage des eaux » surréaliste et les « confluences des démarches » de l’imagination et du Nouvel Esprit Scientifique (avec des majuscules) illustré par Albert Einstein, Niels Bohr et Max Plank, qui mènent à la « royauté de la psychanalyse » et qui débouchent sur l’élaboration d’une « statique » (ibid., p. viii). Voilà résumé en quelques lignes et en une métaphore filée par son auteur le tracé des théories de l’imaginaire au moment où, avec G. Durand, elles entrent dans l’âge structuraliste.

Gilbert Durand, le structural, l’universel

Durand était‑il structuraliste ? En un « certain sens », comme il le dit. Sans plus, donc. Et on le comprend : comment eût‑il été possible de concilier l’esprit de système et le désir de liberté inhérent au traitement du plus primesautier des singuliers, le si pluriel imaginaire ? Deux noms, qui auraient pu figurer dans le rapide inventaire qui vient d’être dressé, font à mon avis défaut : ceux de Mikhaïl Bakhtine et d’Ilya Prigogine. Il est un fait que Durand n’aurait pu les mentionner dans l’édition de 1960 des Structures anthropologiques de l’imaginaire. Longtemps écarté en URSS, Bakhtine n’a été découvert en France qu’à partir du début des années 1970. Ce n’est que trois ans après son décès survenu en 1975 que les éditions Gallimard ont publié la version française de son Esthétique et théorie du roman. Quant à Prigogine, dont les recherches ont été récompensées par le prix Nobel de chimie en 1977, c’est en 1979 qu’il a publié la Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science en compagnie de la philosophe Isabelle Stengers. On notera cependant que ni l’un ni les autres ne sont mentionnés dans les préfaces des éditions plus récentes de l’essai de Durand. Je reviendrai brièvement sur le lien possible entre la vision spatiale de Durand et le chronotope bakhtinien. En ce qui concerne Prigogine et Stengers, il n’est en définitive pas si étonnant que Durand s’abstienne de les citer. Bien que tous deux évoquent explicitement un « dialogue culturel », une « nouvelle alliance » entre des sciences de moins en moins dures et exactes et les sciences humaines, il aurait été improbable que Durand pût concilier sa tentative d’archétypologie générale avec la dénonciation radicale du « mirage de l’universel » à laquelle se livrent le chimiste et la philosophe belges — une dénonciation qui s’appuie sur le constat suivant : « Nous nous retrouvons dans un monde irréductiblement aléatoire, dans un monde où la réversibilité et le déterminisme font figure de cas particulier, où l’irréversibilité et l’indétermination microscopiques sont la règle2. » À vrai dire, Durand aurait sans doute pu valider ce principe, mais, une fois encore, en un « certain sens ». On en revient à l’inclusion complexe de l’anthropologie de l’imaginaire dans le paysage structuraliste des années soixante et soixante-dix, dont Prigogine, en spécialiste de la thermodynamique et par conséquent de son deuxième principe, celui de l’entropie, se dégage sans coup férir, car, de toute façon, comme il est dit dans La Nouvelle Alliance, « loin de l’équilibre, c’est à partir du régime collectif d’activité et non a priori et une fois pour toutes que se décide ce qui est insignifiant et ce qui doit être pris en compte […]. Cette découverte donne un nouveau sens à la notion de complexité. Ce n’est plus seulement la prévision qui pose un problème, mais aussi la définition du système, la définition de son rapport à son environnement3 ».

La tension entre le désir fervent de tracer un schéma transversal au plus grand nombre de cultures et le constat lucide que la diversité est inscrite dans le fait culturel (en raison de la prolifération des images) traverse la théorie de G. Durand, qui semble bien la percevoir mais sans pour autant s’en accommoder. Cette aporie comporte des bénéfices certains, de mon point de vue. Elle permet d’abord à la théorie de l’imaginaire de n’être pas un simple surgeon brièvement apparu sur une branche du structuralisme. Les principes formulés par G. Durand et développés par ses successeurs ont survécu au lent naufrage qui a fait sombrer une partie du bâtiment structuraliste au cours des années 1990. Ensuite, elle conforte le rôle que l’anthropologie de l’imaginaire a pu et continue à jouer à l’ère de ce que l’on appelle communément le « tournant spatial » (spatial turn). Cette évolution favorable a suivi la revalorisation des études de spatialité, qui a trouvé son impulsion en géographie culturelle (David Harvey, Edward Soja, Derek Gregory, etc.) avant d’être relayée dans le domaine littéraire partout dans le monde. Dès 1960, G. Durand était conscient de l’importance de l’espace à un moment où le temps était roi. D’emblée, il relevait que le « caractère pluridimensionnel, donc “spatial”, du monde symbolique est essentiel » (Durand, 1992, p. 29). Car ce qui est pluridimensionnel se spatialise ipso facto… encore faut‑il qu’on renonce à vouloir ramener à l’unique ce qui est multiple et continue indéfiniment à se multiplier ou à se transformer.

Entreprenons une promenade qui pour quelques instants nous mènera loin de Grenoble. Dans Le Pèlerinage d’Occident, l’un des classiques de la littérature chinoise, le personnage du Singe acquiert un pouvoir exceptionnel au terme d’une longue initiation, et par suite d’agissements peu recommandables. Il est désormais en mesure de braver l’Empereur de Jade, qui règne sur le ciel. Les plus valeureux guerriers sont défaits. On s’inquiète. Et l’Empereur de s’exclamer : « C’est absurde ! Faut‑il donc croire qu’un seul esprit simiesque est si puissant que cent mille guerriers célestes n’en peuvent venir à bout ? » (Cheng’en, 2003, p. 57) Afin de capturer le rebelle, mieux vaut donc envoyer le magicien Eul‑lang dont les sortilèges sont imparables. Lorsque le moine et le Singe, qui a pour nom Sun Wukong (« conscient de la vacuité »), se rencontrent la bataille s’engage. Inquiet, ce dernier choisit de se transformer en poisson pour se laisser glisser dans un torrent. Son adversaire se métamorphose alors en cormoran. Pour le Singe, Eul‑lang est « un milan bleu, mais dont le plumage n’aurait pas été bleu, ou un héron, mais qui n’aurait pas eu d’aigrette sur la tête, ou encore une grue, mais dont les pattes n’auraient pas été rouges » (ibid., p. 91). Cet oiseau constitue en tout cas une menace pour lui. Quant au moine, il voit dans le poisson « une carpe, mais dont la queue ne serait pas rouge, ou une tanche, mais qui n’aurait pas de dessin sur les écailles, ou un poisson noir, mais sans étoile sur la tête ou encore une brème, mais qui n’aurait pas de barbe à ses ouïes » (ibid.). Ce poisson constitue en tout cas une proie. Et le poisson qui a perçu le danger se mue en buse tachetée, le degré le plus bas de la métamorphose selon le narrateur. Dégoûté, le moine redevient lui‑même pour user de sa fronde. Le Singe est touché par un projectile qui le déséquilibre. Il profite de sa chute pour s’éloigner et se transformer en temple. Eul‑lang perce à jour le stratagème. C’est alors que le Singe bondit comme un tigre pour disparaître dans le ciel. Mais le moine ne se décourage pas. Il reprend sa quête avant de comprendre que le Singe a fini par adopter sa propre apparence pour occuper sa place dans le temple. Le combat reprend de plus belle. Lao‑tseu intervient pour secourir Eul‑lang, mais en vain. Il faudra l’aide du Bouddha pour que le Singe soit maîtrisé. Et ceci est une autre histoire, qui va modifier le cours de l’intrigue.

La très belle fable de Wu Cheng’en est pleine d’enseignements. J’en tire du moins un : c’est que le monde est saisi dans un mouvement perpétuel (ou une « mobilisation infinie4 », comme dirait Peter Sloterdijk) et que les formes ne sont jamais stables. Le Singe et le moine non seulement changent d’état mais ils sont incapables de cerner un état avec précision : une carpe n’est pas vraiment une carpe et un cormoran n’est pas tout à fait un cormoran.

Alors oui, comme écrit G. Durand, « la classification des grands symboles de l’imagination sous des catégories motivantes distinctes présente en effet, du fait même de la non-linéarité et du sémantisme des images, de grandes difficultés » (Durand, 1992, p. 29). Faut‑il s’en plaindre ? Je ne le crois pas. G. Durand s’en est‑il plaint ? Un peu, tout de même. Son essai s’astreint à affronter la bivalence de « la motivation symbolique » (Durand, 1992, p. 31), l’incessant échange entre « les pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives émanant du milieu cosmique et social » qui exprime une genèse réciproque (Durand, 1992, p. 38). L’enjeu est néanmoins défini de manière claire : il s’agira d’identifier des schèmes issus d’une « généralisation dynamique » (Durand, 1992, p. 61) et affective de l’image et des « trajets incarnés dans des représentations concrètes et précises » (ibid.). Dans la plus pure logique structuraliste — ou structurale, le terme paraissant ici mieux approprié —, le schème ou le groupe de schèmes donne corps au mythe. Quoiqu’il soit postulé implicitement, il n’est pas question d’accepter le principe d’une indétermination foncière en butte contre l’idée même de la généralisation.

Tout au long de l’essai, de très savants renvois mènent le lecteur à travers les mythologies du monde. Ils aboutissent pour beaucoup au constat que les cultures présentent des affinités à l’échelle universelle. Ainsi en va‑t‑il par exemple de l’importance du taureau, symbole thériomorphe par antonomase, dont G. Durand suit la trace en Égypte, en Mésopotamie, dans l’Inde de l’hindouisme, en Scandinavie ou encore en Écosse, en Allemagne et dans les pays baltes, chez Racine comme chez Euripide ou Virgile, mais aussi chez les Australiens (les Aborigènes), les Prédravidiens et les Dravidiens (Durand, 1992, p. 86‑88). Ces parcours virtuoses sillonnent le livre. Ainsi apprend‑on que « la liaison entre ciel et paternité se manifeste universellement aussi bien chez les Finno-Ougriens, les Chinois, les peuplades du lac Victoria, les Indiens du Massachusetts que dans la tradition sémitique et égyptienne » (Durand, 1992, p. 153). Le maître mot est l’« isomorphisme », qui retourne inlassablement (ibid., p. 174, 204, etc.) sous la plume de l’anthropologue et dont la détermination constitue un tremplin vers l’archétypologie générale, vers une « universalité des archétypes » dont le principe est définitivement revendiqué dans la troisième partie de l’ouvrage, juste avant que l’on s’intéresse à la théorie de l’espace. Car il s’agit bien d’isoler « une réalité identique et universelle de l’imaginaire » (ibid., p. 438). Pour G. Durand, cela signifie que ce n’est pas l’histoire qui « produit » le mythe, mais que c’est plutôt le mythe qui « vivifie » l’histoire, ad majorem gloriam imaginationis. Le poids que G. Durand accorde à l’imaginaire est considérable. Cette prise de position courageuse ne saurait que séduire le littéraire, auquel, ne l’oublions pas, l’anthropologue ne s’adresse pas au premier chef, même si la littérature est très présente dans l’essai (la production romantique en particulier).

Y a‑t‑il un imaginaire universel ou du moins des structures analogues ? Y a‑t‑il dès lors un espace culturel commun à l’ensemble de l’humanité ? C’est ce que G. Durand s’efforce de démontrer avec une argumentation rigoureuse et une extraordinaire érudition. C’est ce que d’autres ont essayé de contester. On connaît les stimulants travaux de François Jullien ; on aura peut‑être lu De L’Universel. De l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures (2008). Certains croient déceler dans les développements du philosophe et sinologue la volonté de cliver les grands ensembles, notamment l’européen et le chinois. Une telle critique me paraît superficielle. En tout cas, F. Jullien se pose la question centrale : « L’universel ne relève‑t‑il donc pas lui‑même d’un agencement composite, pour ne pas dire chaotique ? Et ne tient‑il pas précisément son prestige, en Europe, de ce qu’il contribue à faire tenir ensemble tout cet hétérogène en lui servant de clef de voûte idéologique ? » (Jullien, 2011, p. 14) Le débat est lancé. Il l’est depuis longtemps. Mais jamais autant qu’aujourd’hui il n’a été crucial.

Pour ma part, je suis enclin à penser que toute velléité universaliste est vaine lorsqu’elle ne se révèle pas problématique. J’ai été confronté à la question. En 2007, La Géocritique proposait un modèle conceptuel de lecture des espaces ou, plus exactement, de leurs représentations artistiques (en littérature, en peinture, au cinéma, en photographie, etc.). Les exemples mentionnés étaient assez nombreux. La plupart — mais pas tous — étaient européens. On me l’a fait remarquer. Quatre ans plus tard, dans Le Monde plausible, je me suis efforcé de modifier l’échelle. L’Europe est toujours présente, mais l’Afrique, le Mexique, l’Australie et la Chine, pour ne citer que quelques étapes du voyage intellectuel que j’y ai entrepris, trouvent une place plus conforme à leur impact sur le monde. Cette fois‑ci, il s’agissait de dresser une espèce d’histoire de la perception des espaces et de la représentation des lieux dans le monde. Je me suis toutefois gardé de réfléchir à un modèle universel, fût‑il animé par un jeu de contrastes. La tentation aurait été forte de le faire, mais le péril encore plus grand : comment eût‑il été possible d’échapper à une prise de position ethnocentrique ? Je ne disposais d’aucune réponse ; je suis toujours bien loin d’en avoir trouvé une. Peut‑être n’en existe‑t‑il pas. C’est en tout cas mon intuition et ce qui m’a conduit à faire preuve de mesure et de prudence (je crois !).

Le Singe et le moine de Wu Cheng’en se métamorphosent. Le Protée d’Homère se métamorphose. Wu Cheng’en ne pouvait connaître Homère en une Chine où peut‑être Marco Polo n’avait jamais mis les pieds5 et les Européens si peu avant Matteo Ricci, missionnaire jésuite. Matteo Ricci est arrivé en Chine en 1582. Wu Cheng’en est mort en 1582. On pourrait comparer les modalités narratives des transformations du Singe, du moine et de Protée. Que pourrait‑on dire de plus ? Je l’ignore. Il est très probable que l’on ne pourrait dégager aucun processus inter­textuel.

Une théorie de l’espace

Ce n’est qu’avec mesure que la théorie de l’espace bâtie par G. Durand a pénétré dans les bibliographies abordant la question de la spatialité en littérature. Il est vrai que pour beaucoup l’essentiel du raisonnement de l’anthropologue grenoblois porte sur les régimes diurne et nocturne de l’image. Autrement présente est La Poétique de l’espace de G. Bachelard, qui a paru trois ans avant Les Structures anthropologiques de l’imaginaire. Cette excessive discrétion ne se justifie guère, car G. Durand appartient au cercle fermé de ceux qui ont osé évoquer la question de l’espace à un moment où l’étude de la temporalité détenait encore un primat incontesté. Dans ce cercle, on comptait notamment G. Bachelard et Joseph Frank, spécialiste de l’œuvre de Dostoïevski (comme Bakhtine), dont l’examen des formes spatiales (Franck, 1952), en 1945, avait exercé un rôle pionnier, surtout pour la critique littéraire américaine. G. Durand se démarque résolument de Emmanuel Kant et de Henri Bergson qui « minimisent l’espace au profit de l’intuition de la temporalité », elle‑même dotée d’une « plus-value psychologique sur l’espace » (Durand, 1992, p. 463). Dans Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, il est question d’espace à deux reprises, essentiellement. Une première occurrence intervient au moment où G. Durand analyse le Régime nocturne de l’image, et plus précisément les symboles de l’intimité. Là, il est question de la demeure, du centre du monde et de l’espace sacré, qui se caractérise par une ubiquité coextensive à la répétition de sacré dans le temps6. Cela participe de la définition de schèmes rythmiques (cycliques ou progressistes). Le schéma illustrant le plus clairement ce principe est, selon l’anthropologue, le calendrier des Aztèques, qui propose une mesure spatiale du temps à partir des quatre points cardinaux. En guise d’incise, je ne puis que confirmer le caractère fascinant de cette imbrication parfaite entre temps calendaire et espace cartographique, que j’ai mentionné à mon tour dans Le Monde plausible. Espace, lieu, carte (Westphal, 2011, p. 222‑223). La seconde occurrence alimente tout un chapitre consacré à « l’espace, forme a priori de la fantastique ». C’est sur ces passages que je vais arrêter ma lecture.

Pour G. Durand, la spéculation spatiale passe par une réflexion sur la mémoire et le rapport que celle‑ci entretient avec la durée. Pour H. Bergson, conformément à la leçon de G. Durand, « la mémoire serait acte de résistance de la durée à la matière purement spatiale et intellectuelle » (Durand, 1992, p. 465). Mais, de fait, « la mémoire permet un redoublement des instants et un dédoublement du présent » (Durand, 1992, p. 466). Ainsi « dans les fluctuations du destin », elle assure « la survie et la pérennité d’une substance » (ibid.). Face au néant du temps, elle véhicule une représentation et, de la sorte, anime une fonction fantastique, ou mieux : la fantastique, qui « dressée contre la destinée mortelle est donc l’euphémisme » (Durand, 1992, p. 469). En d’autres termes, pour G. Durand, « il y a en l’homme un pouvoir d’amélioration du monde » qui travaille à « la transformation du monde de la mort et des choses en celui de l’assimilation à la vérité et à la vie » (Durand, 1992, p. 470). L’espace n’est donc pas un repoussoir, mais bien le « lieu de notre imagination » (Durand, 1992, p. 472), car en lui se trouvent les qualités « de cette réduction euphémique du distancement » — la distance étant celle qui sépare le sujet de son environnement matériel. Et les moyens de cette dé‑distanciation sont la vision, l’audition et le langage. En somme, comme le note G. Durand, « l’espace devient la forme a priori du pouvoir euphémique de la pensée, il est le lieu des figurations puisqu’il est le symbole opératoire du distancement maîtrisé » (Durand, 1992, p. 473). Ainsi que G. Durand le signale lui‑même, le modèle est partiellement inspiré des travaux d’épistémologie génétique de Jean Piaget, et en particulier de sa distinction fondamentale entre espace perceptif et espace représentatif 7 (un distinguo qui allait alimenter sous un angle très différent la grande théorie sociologique qu’Henri Lefebvre développa dans La Production de l’espace, en 1974).

Il est incontestable que G. Durand propose une authentique théorie de l’espace qui, bien loin d’être marginale, se situe au cœur des structures anthropologiques de l’imaginaire, qu’elle subsume sous elle. Les étapes du raisonnement sont faciles à dégager. Primo, l’espace cesse d’être soumis à cette sorte de toute-puissance du temps que la philosophie moderne avait fini par consacrer. De fait, l’espace forme avec le temps un continuum intelligible. Secundo, l’espace sert de cadre à la variabilité du présent, à l’infinie déclinaison des instants dont la représentation nourrit la fantastique (au féminin). Tertio, cette fantastique est douée d’une fonction euphémique. Et, comme l’euphémisme se déploie dans le monde, il détermine la valeur de l’espace. Cette vision est plus volontariste que celle de G. Bachelard, ce que G. Durand remarque. Chez G. Bachelard, le principe d’identité naîtrait selon l’anthropologue d’une adéquation à la géométrie euclidienne, qui se traduirait de manière binaire dans la complémentarité entre un groupe de déplacements et un groupe de similitudes. Chez lui, en revanche, « c’est l’homogénéité de l’espace qui prend source dans la volonté ontologique d’identité, dans le désir de transcender le temps et d’euphémiser le changement en un déplacement pur, qui ne dure ni n’affecte » (Durand, 1992, p. 478).

Espace, anthropologie de l’imaginaire, géocritique

Je partage tout à fait le souci que G. Durand éprouve d’associer temps et espace plutôt que de privilégier la temporalité, comme on a pu le faire depuis le début de l’époque moderne (on se souvient des disputes classiques entre Samuel Clarke, disciple de Isaac Newton, et Gottfried Leibniz, plus relativiste, et que E. Kant à son tour a contredit). Je regrette un peu que G. Durand n’ait réservé aucune place au chronotope bakhtinien. Si, comme il a été dit supra, cela n’était pas possible en 1960, cela aurait pu le devenir dans les éditions postérieures de son grand œuvre8. Le précurseur russe avait une vision de l’espace qui intégrait la variation sur un thème et conférait une marge d’oscillation aux éléments constitutifs du système. Si « une définition systématique dans l’unité de signification de la culture » (Bakhtine, 1987, p. 26) reste à l’ordre du jour chez Mikhaïl Bakhtine, de même que chez G. Durand, on envisage ici, sous un angle exclusivement romanesque il est vrai, la coprésence de lignes stylistiques qui font de l’œuvre un « microcosme du plurilinguisme » (Durand, 1992, p. 223). L’homogénéité de l’ensemble se manifeste dans le chronotope, c’est-à-dire dans la « corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée en littérature » (Durand, 1992, p. 237) (quoique le rapport entre les deux dimensions de l’inscription de l’être dans le monde reste dicté par le temps9 — ce qui n’est plus le cas chez G. Durand). La rencontre entre les professeurs des universités de N. Ogarev de Saransk et de Grenoble aurait été prometteuse, mais elle n’a hélas pas eu lieu. Pour l’anecdote, je me permets d’ajouter que voilà quelques années, j’ai eu la chance de passer quelques jours à Saransk, assez pour constater que la mémoire de son enseignant le plus célèbre n’y était guère plus cultivée que dans les préfaces des Structures anthropologiques de l’imaginaire ! Je crois cependant que les travaux de M. Bakhtine auraient consenti à G. Durand de mieux ancrer ses recherches dans le domaine de la littérature, si présent pourtant dans l’essai de 1960 ; ils lui auraient également ouvert les portes d’un structuralisme dialogique sans doute conforme à sa propre approche. Voilà du moins mon sentiment, qui n’a de valeur que subjective.

À l’encontre du dernier point, où sont associées spatialité, homogénéité et identité, je prends néanmoins la liberté d’exprimer quelques réserves. Si, sur un plan tout simplement syntactique, on renverse le raisonnement de G. Durand — qui lui‑même dit renverser celui de Bachelard —, on parvient à la conclusion que c’est la volonté d’identité qui informe un espace dont l’homogénéisation revêt une vocation euphémique. Cette démarche s’inscrit dans le droit fil des chapitres consacrés aux Régimes diurne et nocturne de l’image. Elle se situe dans la logique intrinsèque à l’essai qui associe le mythe à « un remède contre le temps et la mort » (Durand, 1992, p. 417). L’espace euphémique est donc le territoire où agit un mythe à vertu thérapeutique, susceptible d’enrayer l’espèce de décomposition dont Emil Cioran avait écrit le précis en 1949 et Samuel Beckett le théâtre dans les mêmes années. J’ignore si le rapprochement paradoxal entre E. Cioran et G. Durand a été fait. Je ne le crois pas. Pourtant tout l’essai de G. Durand semble répondre au pessimisme radical de l’auteur du Précis de décomposition et à son impitoyable constat de la fragmentation de l’être et de son monde. Quant à S. Beckett, lisons‑le ici comme Alain Robbe-Grillet le faisait de Fin de partie (1957) en 1961, dans Pour un Nouveau Roman : « Toute cette pourriture progressive du présent, cela constitue malgré tout un avenir. » (Robbe-Grillet, 1961, p. 106) Le désir d’identité sera donc satisfait dès lors que l’espace aura acquis une connotation euphémique. Ce succès ne découlerait certes pas du fait qu’une géométrie aurait soudain pris un tour harmonieux, mais plutôt du constat que les deux moitiés de la pierre du symbole auraient été recollées dans un récit à la fois unitaire et crédible, et par là même consolatoire, voire satisfaisant. Ou euphémique. On se demandera aussi quelle serait l’extension d’un tel espace, compte tenu de la vocation universaliste de la théorie de G. Durand.

Une décennie environ après la parution des Structures anthropologiques de l’imaginaire, Gilles Deleuze, souvent secondé par Félix Guattari, a adopté un point de vue fort différent de celui de G. Durand sur la relation de l’individu à l’espace. Pourtant certaines références étaient communes. Ainsi, pour élaborer son fameux distinguo entre espace lisse et espace strié, G. Deleuze s’était‑il inspiré d’André Leroi-Gourhan qui, lui‑même, dans L’Homme et la matière (1943), opposait l’espace strié que subsume sous lui le tissu et sa dynamique fondée sur une structure spécifique (la trame, etc.) à l’espace lisse du feutre. Or l’œuvre de A. Leroi-Gourhan constitue l’une des sources d’inspiration les plus constantes et fécondes de G. Durand. Comme souvent, la réflexion scientifique évolue dans un jardin aux sentiers qui bifurquent ! Pour en revenir à G. Deleuze, tout le monde connaît aussi les mécanismes du processus de déterritorialisation, que G. Deleuze et F. Guattari ont su expliquer avec poésie en comparant les lignes de fuite qui agissaient les territoires à des langoustes marchant « en file au fond de l’eau » (Deleuze et Guattari, 1991, p. 82). G. Deleuze et F. Guattari ont contribué à défaire l’équivalence entre espaces et territoires ; ils ont même fait de l’espace l’ensemble mobile qui résultait de l’éternel mouvement des territoires, aussi fort, aussi vif que celui des instants évoqués par G. Durand. D’un point de vue géocritique, l’homogénéisation est impossible car elle ressemble à une vue de l’esprit. Le plus haut degré d’homogénéité équivaudrait tout au plus au « tenir-ensemble d’éléments hétérogènes » (Deleuze et Guattari, 1980, p. 398) dont parlaient encore G. Deleuze et F. Guattari. Et, sans l’indispensable homogénéité, le reste s’effondre inexorablement : point d’identité possible au singulier, l’euphémisme perdrait tout support et l’imaginaire conçu « comme ordonnance de l’être aux ordres du meilleur » (Durand, 1992, p. 499) risquerait de s’opacifier. G. Durand et G. Deleuze, ou l’opposition entre l’arbre et le rhizome, le généalogique et l’anti-généalogique (Durand, 1992, p. 398 ; Deleuze et Guattari, 1980, p. 18).

Peut‑être que l’institution d’une valence positive n’est pas consubstantielle à « l’élaboration d’une statique » ; peut‑être que le seul élément positif, ou du moins stimulant, est à trouver dans le mouvement même des représentations, dans ce que j’ai appelé la transgressivité. À mon sens, il est salutaire qu’une conscience et une acceptation de l’hétérogène guident celle ou celui qui vise à la représentation du monde, à sa lecture, car c’est dans l’hétérogène que le pluriel s’exprime. En français, comme dans d’autres langues, ides est un pluriel invariable ; identité en revanche est singulier ou pluriel selon les cas et les discours. Personnellement, j’aimerais assez, dans un état idéal de la langue, qu’identité devînt un pluriel grammaticalement invariable mais indéfiniment variable, dans un espace humain aussi peu homogène que possible et dans un monde à peine plausible, celui où l’on parcourt l’espace as somehow anyhow, à l’image du consul ivre dont Malcolm Lowry a retracé les derniers jours dans Sous le volcan. Sur ce point, comme sur d’autres, l’anthropologie de l’imaginaire et la géocritique pourraient se retrouver car, pour G. Durand, si l’espace correspond à la forme de l’imaginaire, « c’est la métaphore qui en est le processus d’expression ». La métaphore est ce qui mène ailleurs, mais elle ne mène jamais au but : elle conduit juste à côté. Pas loin, certes, mais juste à côté. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans Le Monde plausible. Les Grecs avaient situé leur omphalos à Delphes, a priori dans le temple d’Apollon. Car, en effet, comme le dit G. Durand, « le centre est nombril, omphalos du monde » (Durand, 1992, p. 281), mais à y regarder de près on s’aperçoit que la pierre maillée qui indiquait le vrai centre était rarement recueillie dans l’enceinte sacrée ; il lui arrivait d’être fichée juste à côté, comme s’il fallait esquisser la possibilité d’un mouvement qui attribuerait son dynamisme au monde et à ses représentations, le début de sens d’une ligne de fuite (ibid., p. 484). Une métaphore, en somme.

Bibliographie

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Notes

1 L’équipe d’accueil 1087 « Espaces Humains et Interactions Culturelles », dont le siège est à Limoges, héberge une section du Centre de recherche André Piganiol : « Archéologie et civilisation des régions occidentales du monde romain ». L’autre section se trouve à l’université Blaise Pascal. Retour au texte

2 I. Prigogine et I. Stengers, La Nouvelle Alliance [1979], Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1986, p. 40. Retour au texte

3 Ibid., p. 430‑431. Retour au texte

4 Voir P. Sloterdijk, La Mobilisation infinie. Vers une critique de la cinétique politique, traduit de l’allemand par H. Hildenbrand, 2003. Dans le contexte, le titre allemand est plus intéressant : Eurotaoismus. Zur Kritik der politischen Kinetik [1989]. Retour au texte

5 Voir F. Wood, Did Marco Polo Go to China?, 1996. Dans son livre le plus récent, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été (2012), P. Bayard revient sur ce point. Illustrant le risque de l’ethnocentrisme, il mentionne également les célèbres aventures intellectuelles de l’anthropologue Margaret Mead aux îles Samoa. Retour au texte

6 Voir, par exemple, ibid., p. 324 : « L’année marque le point précis où l’imagination maîtrise la contingente fluidité du temps par une figure spatiale. Le mot annus est proche parent du mot annulus ; par l’année le temps prend une figure spatiale circulaire. […] Il n’a dès lors plus de distinction entre le temps et l’espace pour la raison bien simple que le temps est spatialisé par le cycle, l’annulus. » Retour au texte

7 G. Durand est fort précis sur ce point. Il évoque le « triple étagement ontogénétique » (p. 474) de la représentation spatiale de J. Piaget qui s’élabore successivement sous forme de représentation de groupements de choses (rapports topologiques élémentaires), de coordination des données topologiques fragmentaires en relations d’ensemble et d’identification de similitudes appliquées à l’espace euclidien. Aux trois étages de la théorie de J. Piaget, G. Durand associe les principes d’ocularité, de profondeur (comme en peinture) et d’ubiquité de l’image, qui assure « l’homogénéité de l’espace euclidien » (p. 477). Retour au texte

8 Il semblerait que le rapprochement entre M. Bakhtine et G. Durand ne tombe pas sous le sens. Une brève vérification m’a conduit vers une seule source, un essai de l’universitaire québécois V.-L. Tremblay intitulé Au commencement était le Mythe. Introduction à une mythanalyse globale avec application à la culture traditionnelle québécoise (1991). Retour au texte

9 Voir M. Bakhtine (1987, p. 237) : « Ici, le temps se condense, devient compact, visible pour l’art, tandis que l’espace s’intensifie, s’engouffre dans le mouvement du temps, du sujet, de l’Histoire. Les indices de temps se découvrent dans l’espace, celui‑ci est mesuré d’après le temps. » Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Bertrand Westphal, « Une lecture géocritique des structures anthropologiques de l’imaginaire », IRIS, 33 | 2012, 23-35.

Référence électronique

Bertrand Westphal, « Une lecture géocritique des structures anthropologiques de l’imaginaire », IRIS [En ligne], 33 | 2012, mis en ligne le 17 octobre 2021, consulté le 30 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2440

Auteur

Bertrand Westphal

Université de Limoges

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