Heidegger et Nietzsche
Le problème de la métaphysique
Heidegger attache une importance exceptionnelle à la philosophie de Nietzsche. Il y consacre ses commentaires les plus longs et les plus fouillés. L'œuvre de Nietzsche constitue pour lui la « décision », c.-à-d. le motif déterminant de sa prise de position par rapport à la métaphysique (x). C'est l'étude de Nietzsche qui a fait passer Heidegger du point de vue de la remontée aux fondements de la métaphysique à celui de son dépassement. La connaissance de l'interprétation heideggerienne de Nietzsche sera par conséquent un des éléments essentiels d'une compréhension authentique de Heidegger lui-même, en particulier de sa vision sur le problème de la métaphysique.
Le but de cette étude n'est pas de comparer la doctrine des deux philosophes du point de vue objectif, mais bien de comprendre l'interprétation heideggerienne de Nietzsche. Or, de l'aveu de Heidegger lui- même, son interprétation ne vise pas à tracer une image historique de la pensée de Nietzsche (2), mais bien à la situer dans le développement interne de la métaphysique occidentale. On comprendra dès lors que les textes sur lesquels est basée la présente étude sont en premier lieu des textes heideggeriens et seulement à titre secondaire des textes nietzschéens.
Comme l'indique le sous-titre, l'interprétation à laquelle nous consacrons notre attention, jette une vive lumière sur le problème de la métaphysique. Comment envisager celle-ci après la pensée nietzschéenne et surtout après celle de Heidegger ? L'étude de ces deux philosophes ne nous mettra-t-elle pas devant certaines conclusions de la plus haute importance pour l'élaboration future de toute ontologie
(!) Otto Pôggbleb, Der Denkweg Martin Heideggers, Pfullingen, Neske, 1963, p. 100 : « So wird Nietzsches Denken, als Vollendung und Ende der Metaphysik, zur Entscheidung », cf. pp. 104-135.
(«) N (Nietzsche, 2 vol. 20,5 x 12,5 de 662 et 494 pp., Pfullingen, Neske, 1961) II, pp. 262-263.