Esthétique de la contemplation et esthétique de la transgression

À propos du passage de la Religion au Savoir Absolu dans la « Phénoménologie de l'Esprit » de Hegel

I. Sens d'une rupture

Le passage de la Religion au Savoir Absolu marque une rupture avec le processus d'Aufhebung tel qu'il s'était dessiné jusque là. La Religion a regroupé toutes les figures dissociées dans la perspective d'une révélation sans secret de l'esprit absolu dans une figure, celle de l'essence divine incarnée sous forme humaine ; cette figure demeure encore esthétique, en ce sens qu'elle est chosifiée par le regard croyant qui s'y réfère et s'y englue.

La Menschwerdung, comme dévoilement progressif de la nuit de l'inconscience dans laquelle chaque figure se trouvait plus ou moins enfoncée, adopte d'abord les formes de la substantialité immédiate, puis du contenu « disparaissant » dans le flux de l'intériorité vivante — et c'est, par exemple, le langage fluide de l'hymne — et, finalement, celle de la figure adéquatement intégrative de la négativité du soi et de la totalité des choses existantes dans une universalisation effective de la nature et de tous les soi.

1. Une figure disparaissante

L'harmonie compacte et primitive doit être brisée pour que la liberté individuelle s'exprime, mais l'expression séparée de l'opération subjective a encore à se faire vivante et animée pour être œuvre universelle, dans une sorte de concordance d'opération et de production. La production esthétique n'est pas encore œuvre universelle car elle sépare l'individu qui l'a produite de ceux qui la contemplent et s'en satisfont; elle sépare la conscience insatisfaite et désirante et la conscience qui se limite dans l'attachement fasciné à l'objet confi-