Abstract
Au courant de la dernière décennie, on a assisté, dans les anciennes métropoles coloniales, dans les nations nées de la colonisation ou dans celles qui la pratique encore, à la percée d’une revendication spécifique à la « décolonisation » jusqu’alors scandée principalement par les nations des Suds. Émanant des groupes minoritaires dont la marginalisation contemporaine résulte d’une longue histoire de domination par et au sein des sociétés blanches, cette lutte sociale pour l’anéantissement du principe hégémonique blanc/occidentalocentré constitutif de l’idée de nation, voire d’humanité, se manifeste dans différentes pratiques émancipatoires et des discours de la société civile en général, de différents mouvements militants ou dans les institutions académiques du Nord.
Dans les universités, le combat se déplace sur le plan épistémique et les humanités se trouvent aujourd’hui sommées de répondre à l’urgence de « décoloniser le savoir » notamment les cursus d’enseignement et d’édifier des fondations assainies pour les chantiers de la recherche qui structureront l’avenir des sciences sociales et humaines. Les sentiers que doit emprunter la pensée afin d’accoucher d’épistémologies fertiles conceptuellement et vierges des anciens rapports de pouvoir ne se dévoilent cependant pas en toute transparence. Si tel est bien le cas que la philosophie ait une tâche spécifique à accomplir aux côtés des autres discours s’intéressant à décoloniser différents segments du savoir, c’est bien celle d’élucider les conditions de possibilité d’une connaissance décolonisée, que ce soit pour elle-même (c’est-à-dire à l’intérieur de ses propres us disciplinaires) mais aussi en tant que méta-interrogation transdisciplinaire…