Abstract
On peut décrire le monde de Kafka comme mettant à l’épreuve l’expérience du rapport entre tradition juive et modernité critique. Les sources venant justifier ce parti pris d’interprétation sont nombreuses. Hormis des lecteurs aussi fondamentaux que Benjamin ou Scholem, Kafka lui-même a inscrit ce rapport duel au cœur de ses récits. Si la Loi est un des motifs les plus éloquents de cette double appartenance, on peut s’interroger quant à la pertinence qui consiste à poser l’hypothèse d’une interprétation, non pas juive de l’œuvre de Kafka, ce qui n’aurait pas beaucoup de sens, mais d’une lecture qui tente de déceler dans le processus de narration une singularité qui, tout en excédant le problème d’une appartenance religieuse, met en abime la question complexe de l’identité et de la perte d’identité. Qu’en est-il alors de cette herméneutique narrative qui cherche à défaire le lien tacite entre voir et comprendre et qui privilégie un rapport au texte de l’ordre de l’écoute? Danielle Cohen-Levinas cherche à montrer comment l’œuvre de Kafka se trouve être le lieu d’un nouveau paradigme herméneutique dont la source d’inspiration n’est autre que la Révélation et la Loi : entendre et faire entendre.