Abstract
J’arguerai ici que tout en repoussant d’une main une conception du changement social basé sur la sélection naturelle des pratiques sociales et des individus qui y participent, les théories normatives qui font appel à des modélisations des choix sociaux, qu’ils soient de nature économique, politique ou morale, en entretiennent potentiellement les conséquences. Plus précisément, j’arguerai que les modèles que l’on utilise encore le plus volontiers dans les sciences sociales, c’est-à-dire ceux de la théorie des jeux, de la théorie de la décision ou de la négociation rationnelle, contribuent à répercuter, au plan normatif, les deux aspects — social et individuel — de la sélection naturelle. L’argument s’appuie sur une analyse de la théorie standard de l’utilité et montre que la conception de la rationalité maximisante définie dans ce cadre formel incorpore les exigences de la sélection à celles de la rationalité.I shall argue that though most theoreticians of social change firmly refuse normatively to endorse the natural selection of practices and individuals, they sometimes tacitly validate the consequences of such a conception of social change. More precisely, I shall argue that the formal apparatus still often used in social sciences — such as game theory, bargaining theory or decision theory — contribute to carrying on, at the normative level the social and individual aspects of natural selection. The argument rests on an analysis of what has come to be regarded the standard theory of utility and attempts to show that maximising rationality defined in that framework incorporates the requirement of the selection to those of rationality