Abstract
Les mathématiciens et philosophes du xix e siècle ont souligné l’incapacité de la doctrine kantienne de l’espace à prendre en charge la fondation des géométries non euclidiennes, et cette difficulté semble pouvoir être rapportée à une tension interne à la notion kantienne d’extériorité : en cherchant à « exposer » l’espace comme condition de possibilité de la géométrie comme science a priori, Kant s’interdirait en réalité de rendre compte de sa fonction de possibilisation de l’expérience externe en général. Le même problème se manifeste lorsqu’on cherche à rendre compte, comme nous le faisons ici, de l’extériorité des phénomènes sonores. À travers la description du rapport du son au temps, mais aussi à l’espace, et à la lumière de la musique savante contemporaine et en particulier d’une œuvre de Pierre Boulez dans laquelle la spatialisation du son joue un rôle majeur, nous montrons qu’il est nécessaire, pour sauver le transcendantal, de lui imposer un reformatage – et plus précisément un déplacement. Car dans la tension entre fondation des axiomes géométriques et ouverture du sujet à l’extériorité, ce qui se joue n’est pas autre chose que le sens même de la question transcendantale.