Abstract
Résumé La précaution a été critiquée non en elle-même, mais comme « principe », à la fois sur le plan juridique et scientifique. Les formulations du principe prêtaient à confusion, à cause du jargon « scientifique » utilisé (cf. absence de preuves, de « certitudes scientifiques »). Liée à l’urgence, la précaution ressortit à une philosophie de l’agir, qui comporte menace, vulnérabilité, anticipation, appréhension, et c’est de ce côté qu’il faut chercher la logique de la précaution. En premier lieu, une « déduction sémantique a priori » (Derrida) permet de mettre en évidence les caractéristiques de la peur, qui justifie la précaution. En second lieu, un rappel de la tradition philosophique confirme cette déduction, rappel qui va d’Aristote ( Rhétorique : ce qu’est la peur et comment on est quand on l’éprouve ; Éthique à Nicomaque : le courage, l’intrépidité, la disposition acquise) à Heidegger ( Être et Temps : la peur comme disposition insigne, esquisse de l’angoisse, du souci, de la responsabilité, de la résolution), en passant par des étapes essentielles : Augustin (la cura, la curiosité), Kant (derniers écrits), Nietzsche ( Seconde Inactuelle ). Enfin, et en conclusion, la précaution apparaît non comme une démission de la connaissance, mais comme une incitation à mieux scénariser, à mieux gérer l’avenir, en cultivant une imagination anticipative, complémentaire de l’innovation.