Abstract
Émile Saisset (1814-1863) est un philosophe aujourd’hui bien oublié, bien qu’il ait été un insigne représentant de « l’école éclectique » qui a dominé l’enseignement de la philosophie en France entre 1820 et les années 1860. Au sein de cette école, il fut celui qui entretint avec le catholicisme un dialogue constant, et un des représentants les plus distingués du spiritualisme philosophique. Ce dialogue repose en partie sur la volonté de définir un nouveau magistère dans la société post-révolutionnaire, qui tienne à la fois compte de la tradition portée par le christianisme et des nécessités d’affronter la « modernité ». Il a rêvé d’un concordat philosophique avec le christianisme. Il y avait une part de stratégie dans cette démarche, et les contemporains, comme les philosophes de la fin du siècle, n’ont pas manqué d’y voir une part d’hypocrisie. En réalité, il y avait aussi dans sa démarche une « inquiétude métaphysique », reposant sur les modalités d’articulation entre foi et raison dans un régime de société d’opinions. Si Émile Saisset a été oublié, c’est parce que la séquence historique qu’il incarne a été ensevelie sous la laïcité républicaine. Et pourtant, sa pensée et son action témoignent pour la construction française d’une acception spirituelle et philosophique du gouvernement politique.