Abstract
Dire que les règles morales sont des conventions peut signifier deux choses : en expliquer la présence, le contenu et le fonctionnement à l'intérieur d'une société, et en indiquer la valeur réelle. S'il était vrai que des règles morales qui ne reposent pas sur des conventions, ne sont que des commandements qui portent atteinte à la liberté humaine, l'appel à la convention, loin de nous livrer à l'arbitraire, indiquerait cela même par quoi notre conduite morale peut devenir raisonnable. Il reste pourtant que la convention et le consensus qu'elle instaure ne suffisent pas à fonder la valeur d'une conduite. Qu'on le veuille on non, cette valeur doit apparaître dans une expérience pratique, expérience qui s'acquiert dans la praxis et qui porte sur la valeur même de cette praxis. Mais que peut révéler cette expérience dont ni l'individu ni la société ne disposent pleinement ? Ce ne peut être que l'adéquation ou l'inadéquation d'une conduite de fait à ce qui est la nature ou le sens même de notre agir. Ceci se vérifie non seulement par rapport à des besoins ou des désirs que l'on peut nommer „naturels”, mais aussi par rapport à un agir que l'homme élabore par lui-même et qui n'a de sens que pour autant qu'il instaure une liberté réelle. Cette liberté ne nous est pas connue comme une fin dont nous pourrions déduire les déterminations particulières, mais comme une possibilité dont le contenu se révèle progressivement dans l'expérience pratique de sa réalisation