Cette étude a pour double objectif de retracer quelques éléments cartésiens dans la philosophie de Brentano et d'évaluer sa théorie de la conscience à la lumière des débats actuels dans la philosophie de l'esprit contemporaine. Les deux premières parties de cette étude évaluent la dette de Brentano à l'endroit de la philosophie de Descartes. Dans la première, je montre que Descartes est associé à plusieurs principes fondamentaux de la psychologie de Brentano, tandis que dans la deuxième, je propose une interprétation (...) de l'inexistence intentionnelle de Brentano à l'aide de la distinction cartésienne entre ens formale et ens objectivum. La troisième partie est un commentaire critique de l'évaluation par D. Rosenthal de la théorie de la conscience de Brentano dans sa Psychologie. Je m'intéresse plus particulièrement à la distinction que fait Rosenthal entre une conception aristotélicienne et une conception cartésienne de la conscience et me demande sous laquelle de ces deux catégories se range la théorie de Brentano. Dans la dernière partie, j'évalue la portée de quelques-unes des modifications importantes que Brentano fait subir à sa psychologie et à sa théorie de la conscience dans ses derniers travaux et j'avance l'hypothèse que ses positions sur la substance pensante et la conscience de soi le rapprochent encore davantage de Descartes. (shrink)

La référence au cartésianisme est constante dans les travaux contemporains de philosophie de l’esprit et de sciences cognitives. Sa fonction n’est pas de fournir une exégèse historique de Descartes ; elle est plutôt de dégager certains aspects de la conception cartésienne de l’esprit, ceux qui informeraient encore la recherche philosophique et scientifique actuelle, et qu’il resterait à dépasser. Ainsi l’adjectif cartésien n’est-il pas seulement utilisé pour faire directement référence à Descartes, mais aussi pour désigner les théories et les approches (...) modernes de l’esprit qui, tout en rompant avec le cartésianisme sur plusieurs points, auraient néanmoins hérité d’importantes erreurs cartésiennes. On remarquera en outre que dans cette logique, l’adjectif cartésien revêt un sens essentiellement critique. Et pour la plupart des théoriciens contemporains en effet, le cartésianisme est bien l’ennemi à combattre. La présente contribution se propose de dresser un portrait de cet ennemi, à partir de quelques-uns des usages qui sont faits de la notion de cartésianisme en philosophie de l’esprit et en sciences cognitives. Cette analyse, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, nous permettra de faire apparaître les raisons et les enjeux de la référence à la figure cartésienne dans les réflexions des deux champs mentionnés. (shrink)

Review of Marion, J.-L.. Questions cartésiennes III: Descartes sous le masque du cartésianisme. Paris: PUF.

Cet article est une présentation du premier ouvrage de Casimir Twardowski publié en 1892 sous le titre Idee und Perception. Eine erkenntnistheoretische Untersuchung aus Descartes. Son exposé du cartésianisme procède en deux temps. Premièrement, il se lance dans une analyse épistémologique de ce qu’est la perception en fonction de sa clarté et de sa distinction où perceptio se trouve rapproché de la notion brentanienne de innere Wahrnehmung. Deuxièmement, Twardowski mène une analyse de ce qu’est l’idée en tant que distincte (...) et claire, ce que cette fois le philosophe polonais associe à la notion de Begriff anticipant ainsi la problématique de la représentation logique ou celle de la méthodologie des sciences. Ce faisant, le jeune Twardowski semble esquisser deux démarches possibles issues du cartésianisme : une démarche phénoménologique qui met en œuvre les descriptions de la subjectivité entendue comme ensemble des actes, et une démarche logique centrée sur la problématique du concept. (shrink)

Guillaume St-Laurent | : Dans ses récentes méditations philosophiques, Claude Romano soutient non seulement que la phénoménologie ne devrait plus être cartésienne, mais qu’elle ne peut plus l’être, car un doute universel serait lui-même foncièrement absurde du point de vue phénoménologique. L’objectif du présent essai est de contester qu’une telle réfutation phénoménologique du cartésianisme soit possible. En ce sens, nous soutiendrons que les arguments anti-sceptiques de Romano s’avèrent insuffisants parce que le doute hyperbolique est une possibilité de pensée qui, (...) bien que spéculative, demeure à la fois intelligible et plus radicale que toute description d’essence ou « réduction eidétique ». | : In his recent philosophical contributions, French phenomenologist Claude Romano maintained not only that phenomenology should not be Cartesian, but that it cannot be Cartesian because the very idea of a universal doubt would be utterly absurd from a phenomenological perspective. Our objective is to show that such a phenomenological refutation of Cartesianism is impossible. After reviewing the two main anti-skeptical arguments propounded by Romano, we will support a simple critical thesis : the hyperbolical doubt is an irreducible possibility of thought which, although “speculative,” remains nevertheless actual and more radical than any phenomenological description. (shrink)

L’objet de cet article est constitué par les motifs cartésiens dans la pensée de Leszek Kołakowski, l’un des philosophes polonais les plus connus et influents de la seconde moitié du xx e siècle. On essaiera ici de montrer que ce qui a organisé la pensée de Kołakowski, et ce non seulement dans sa dimension philosophique, mais tout autant politique, était une réflexion critique sur la légitimité et les limites de la quête cartésienne du savoir fondé sur l’évidence et, à la (...) fois, objectif et vrai. Pour l’auteur de cet article Kołakowski – et avec lui, toute une formation intellectuelle, dont il faisait partie, connue sous le nom d’École d’histoire des idées de Varsovie – interprétait le cartésianisme comme un essai de mise en place du radicalisme intégral, tant philosophique que politique. Dans cet article, on défendra également la thèse suivante : pour Kołakowski et pour bon nombre de ses collègues – anciens marxistes –, le cartésianisme était une philosophie radicale non seulement de la vérité, mais aussi de la liberté. La question que Kołakowski adressait aussi bien à Husserl qu’à Descartes, notamment celle de savoir s’il est possible de découvrir les fondements du savoir, inébranlables et absolument incontestables, sera présentée comme un élément de sa stratégie pour surmonter le marxisme envisagé comme une idéologie qui réduit la liberté humaine à un simple épiphénomène. (shrink)

Pour plusieurs raisons, Descartes s'impose à titre d'interlocuteur privilégié de la phénoménologie. Comme Descartes, Husserl poursuit un double objectif avec l'idée de philosophie première : 1) celui d'une science universelle dominant l'ensemble des sciences ; 2) celui de fournir à cette science universelle le fondement qui en justifie le statut. J'examine ici le deuxième objectif.

Réduire le renouveau sceptique propre à la période moderne au seul pyrrhonisme serait passer sous silence la résurgence du scepticisme académicien à la fin du xviie siècle en la personne de Simon Foucher, pour qui l’académisme constituait la seule philosophie capable de déjouer les impasses du dualisme cartésien au niveau de ses implications épistémologiques. Voilà pourquoi, pour donner une idée exacte de ce que fut le scepticisme moderne, il est important de présenter les raisons justifiant, pour Foucher, une nécessaire réhabilitation (...) de l’académisme, afin d’évoquer la compréhension et l’interprétation qui furent les siennes de ce courant philosophique, et l’utilisation qu’il en a faite contre le cartésianisme présenté sous la forme d’un nouveau dogmatisme. C’est donc au nom d’une conception sceptique de la philosophie conçue comme recherche méthodique de la vérité et dénuée de tout préjugé dogmatique, que Foucher s’en est pris au dualisme de ses contemporains, comme s’il avait compris que seule la philosophie académicienne pouvait être en mesure de fournir à l’esprit scientifique des temps nouveaux une méthode sceptique adaptée, anticipant par là le « pyrrhonisme raisonnable » du siècle suivant. (shrink)