Raymond Lemieux | Résumé : Entre le discours du maître et le discours magistériel, la proximité est évidente. Pourtant le magis formant leur élément commun peut aussi bien s’avérer un facteur d’abrutissement, un producteur d’esclave, qu’un porteur d’émancipation. Comment le discours magistériel, qui se veut émancipateur, peut-il gérer cette ambiguïté ? Comment le maître peut-il être un maître de liberté ? L’article interroge tour à tour les pratiques éducatives et les pratiques psychanalytiques qui affrontent le même type d’aporie. Il met (...) de l’avant l’importance de l’interdiction faite à l’éducateur tant qu’à l’analyste de jouir de l’élève ou de l’analysant, c’est-à-dire de faire de leur apparente position de sujet assujetti un profit personnel. Qu’est-ce qu’éduquer à la liberté ? Qu’en est-il du magistère, dont le discours se veut émancipateur ? |: The semantic closeness between the discourse of the master and the magisterial teaching of the Church is obvious. However, the common root magis may be displayed as an enslavement process as well as a liberating one. How can this ambiguousness be removed from the teaching of the Church ? How can this one be an education to liberty ? In order to find some practical way of answering this question, the paper briefly examines contemporary educational and psychoanalytic challenges which confront such a logical and practical deadlock. It stresses the importance of the interdiction, for the educator as well as the psychoanalyst, of taking any personal advantage, pleasure or profit from the apparent position of subject which is that of the other. What does mean to educate with the purpose of liberty ? How the magisterial discourse of the Church can be an emancipatory one ? (shrink)
La paresse est un phénomène limite. Elle peut renfermer les êtres sur eux-mêmes comme elle peut représenter un espace et un temps de réflexion face aux risques de l’action. Dès lors, si elle est bien un péché capital quand le sujet s’y abrutit, ne peut-elle aussi représenter un outil dans la construction du sens de la vie? Comment dès lors joue-t-elle un rôle dans la construction des identités humaines? L’article tente de clarifier le malentendu que peut abriter ce dilemme. Il (...) propose pour cela de réfléchir aux exigences héroïques de la modernité qui impose des idéaux du moi toujours plus exigeants et, en conséquence, accule souvent à devoir choisir entre le simulacre et la vérité, la performance dans le conformisme ou le risque de vivre selon ses propres idéaux. Il pose dès lors la question de l’authenticité comme enjeu du désir. Laziness is a borderline phenomenon. It may cause the withdrawal from any commitment or allow the human being a space and a time for reflexing the conditions of his actions. If it is undoubtedly a capital sin when source of mindless, could not it be also a tool for the self-construction of life and identity? Then how could it play such a role? The paper intends to clarify the possible misunderstanding hidden under this dilemma. For this purpose, it proposes a survey of the heroic conditions of modern life in which social ideals are more and more demanding and, consequently, force to choose between enactment and truth, conformist or genuine achievements. It stresses then the question of authenticity as a stake for desire. (shrink)
Une sourde appréhension hante aujourd’hui les consciences : « Le christianisme survivra-t-il à la modernité ? ». S’il a été un facteur historique de civilisation, sa pertinence est-elle caduque quand cette civilisation se transforme, comme cela est le cas dans le monde contemporain ? De quelles quêtes, de quelles souffrances, les regards portés sur lui, de l’intérieur comme de l’extérieur, sont-ils symptômes ? Quels en sont les dynamismes fondamentaux ? À quelles conversions l’expérience chrétienne est-elle appelée ?Pour baliser des pistes (...) de réponses à ces questions, nous questionnerons ici l’institution culturelle du christianisme, c’est-à-dire les modes selon lesquels, dans son histoire, il a soutenu du sens et se trouve, aujourd’hui, confronté à une conjoncture inédite. Cette institution culturelle comprend davantage que la vie interne et l’action des Églises qui à la fois la débordent et en dépendent. Des actes de foi l’animent, certes, sans s’y confiner non plus. Par christianisme, nous entendons donc saisir les modes variés par lesquels se sont inscrites, historiquement, « des nappes de produit relatives à des systèmes de production » en transactions constantes avec le « monde ». A vague apprehension haunts many minds today: “Will Christianity outlive modernity?” Although Christianity was a historical factor in the development of civilisation, will its pertinence be bypassed when this civilisation is transformed, as seems to be the case in the contemporary world? What is the re-examination applied to it from inside and out symptomatic of – of what searching and what suffering? What are the fundamental dynamics underlying this? What sorts of conversion is the Christian experience called upon to undertake?In order to outline some approached to responding to these questions, we shall examine the cultural institution of Christianity, that is, the ways in which it underwrote meaning and today stands at a new crossroads in its history. This cultural institution comprises more than its internal life and the action of the Churches, which both go beyond it and depend upon it. Acts of faith are vital to this process, obviously, but also reach beyond it. By “Christianity”, we mean discerning the various modes through which “the layers of products related to systems of production” in constant interplay with the “world” are inscribed in a historical process. (shrink)
Résumé Au point de départ, l’acte théologique se constitue par la lecture des Écritures. Mais cette lecture, par laquelle se produit un sujet théologien, ne peut elle-même se résoudre que dans une écriture par laquelle ce sujet fait trace, à son tour, de son expérience. Le présent article investigue ces rapports complexes de la théologie aux Écritures et à l’écriture pour tenter d’en définir l’acte théologique comme traversée des textes et production d’un sens. La théologie, argumente-t-il, suppose que le lecteur-écrivain (...) se situe dans l’axe de l’Autre, c’est-à-dire dans un rapport au texte et à l’ordre symbolique du monde qui consiste à ne pas se laisser arrêter par leurs valeurs acquises, à continuer sans relâche à interroger ce qu’ils laissent à désirer. Cet acte, dès lors, ne peut se réaliser que dans le lieu de son impossibilité même : donner figure à l’Autre en sachant que cet Autre lui échappe.The theological work starts by reading Scriptures. This reading, which produces the theological subject, yet needs a writing by which this subject traces his own experience. The present paper investigates the complex relations that the theologian must keep up with reading and writing in order to define the specific locus of his work. Theology, it argues, supposes that the reader-writer places himself in the axis of the Other, that means, in such a relation with texts and symbolic order of the word as he will not be stopped by actual value systems and he will keep inquiring what is left open to desire by them. This act, therefore, can take place only in the context of its own impossibility : it gives a representation of the Other while knowing that the Other cannot be represented. (shrink)