Loin de constituer une figure nouvelle dans l’histoire de la migration africaine, l’aventurier se pose en figure récurrente et connaît un regain de visibilité, dès lors que les politiques migratoires se durcissent un peu partout sur la planète et que la libre circulation des hommes est rendue de plus en plus problématique. À l’heure où les principes du salariat et de la fonction publique sont sérieusement contestés sur le continent africain, des itinéraires d’accumulation inédits prospèrent, tout comme de nouveaux modèles (...) de réussite fondés sur la ruse, la bravoure et l’exploit sont célébrés. L’aventure migratoire s’identifie totalement aux risques encourus et à l’intensité de la vie vécue ; elle permet à l’homme d’advenir et de s’aguerrir. Si elle a un commencement, elle a aussi une fin : au temps des projets aventureux doit succéder la construction de sa carrière. L’aventure doit être aussi interrogée dans ses déterminations imaginaires. Pour les uns, c’est l’imaginaire de la prédation qui prime, pour d’autres encore c’est celui de la contestation, pour d’autres enfin l’aspiration à l’Ailleurs s’apparente à la geste épique.The adventurer is not a new emblem in the history of African migration. It is rather a recurrent symbol more perceptible today as soon as migratory politics, the world over, take a harder line, and free circulation of men becomes increasingly difficult. As being salaried or State employee is widely contested on the African continent, unprecedented accumulation itineraries are thriving, and new success strategies emerge, based on tricks, ruse, braveness and feat. The migratory adventure is tightly correlated with risk or intensity of life ; it allows men to fulfil themselves, to become harder. The adventure is a well-identified period of life which ends with the elaboration of a professional career. Adventure has to be examined in its imaginary origins. For some people the imaginary of predation prevails, for others it is contestation, and for yet others, the wish for an « Elsewhere » bears a resemblance to an epic journey. (shrink)
Alors que le premier tome de L’œuvre de l’art portait sur les «modes d’existence» des œuvres d’art, le second traite de la relation esthétique et de l’une de ses espèces, la relation artistique. La relation esthétique se divise en deux moments: celui de l’attention aspectuelle portée à l’objet, et celui de l’appréciation elle-même résultant en un jugement. La relation artistique a pour caractéristique supplémentaire de postuler une intention esthétique ayant présidé à sa création. Et c’est cette intention qui constitue un (...) artefact en œuvre d’art. En ce sens, les deux tomes de L’œuvre de l’art sont complémentaires: le premier, Immanence et transcendance, se penche sur les caractéristiques extrafonctionnelles des œuvres, alors que le second ne s’attache qu’à leurs caractéristiques fonctionnelles, tous deux se combinant pour fournir une réponse à la question «qu’est-ce qu’une œuvre d’art?». Pour reprendre une analogie proposée par Genette, on peut scinder en deux la caractérisation de ce qu’est un marteau: il possède un certain nombre de propriétés extrafonctionnelles spécifiables indépendamment de ses caractéristiques fonctionnelles. Il en va de même pour la caractérisation de l’art. On peut s’intéresser au mode d’existence des œuvres indépendamment de la fonction qu’on leur assigne. Bien sûr, certaines caractéristiques physiques du marteau doivent leur existence à la fonction qu’il est appelé à remplir: c’est parce qu’il sert à planter des clous qu’il doit disposer d’une tête d’une surface plus grande que la tête du clou et suffisamment dure. (shrink)
Roman Ingarden fut un auteur prolifique. Ancien élève de Husserl, il publia de nombreux ouvrages et articles en près de cinquante ans de carrière et suscita un nombre impressionnant de commentaires tout en demeurant peu connu des francophones. Victor Kocay tente de réparer cette injustice en nous montrant l’intérêt de l’approche ingardenienne pour l’analyse littéraire et la théorisation de la réception esthétique de l’œuvre littéraire. Deux ouvrages constituent le cœur de l’exposition: Das literarische Kunstwerks et Vom Erkennen des literarischen Kunstwerks. (...) Dans ces textes, Ingarden développe deux concepts centraux qui seront mis en application par Kocay dans la dernière partie de son ouvrage avec l’analyse du Journal d’un curé de campagne de Bernanos et du Journal du voleur de Genet: la concrétisation et la stratification. La concrétisation constitue «la notion de base de l’esthétique d’Ingarden» et ce terme renvoie au processus d’interprétation-compréhension du lecteur face au texte, processus qui résulte en la formation d’un objet esthétique. La concrétisation consiste au moins à remplir ce qu’Ingarden appelle les «lacunes d’ordre conceptuel», c’est-à-dire certains non-dits du texte. À aucun moment Conan Doyle ne dit que Sherlock Holmes est un être humain ou qu’il a trente-deux dents, et pourtant c’est ce que nous inférons de notre lecture, en utilisant nos croyances sur le monde, les traditions littéraires dans lesquelles s’inscrit l’auteur, etc. Il ne s’agit pas de combler tous les blancs, ce qui serait impossible, mais de constituer un objet en vue de son appréciation esthétique. Chaque lecteur peut concrétiser différemment un même texte, mais Ingarden refuse de sombrer pour autant dans le relativisme: l’objet esthétique constitué ne l’est pas pour la seule jouissance personnelle de son lecteur, mais il doit reposer sur les propriétés du texte lui-même et pouvoir être soumis au jugement d’autrui. Si plusieurs concrétisations d’un même texte sont possibles, toutes ne sont pas acceptables. De même, les qualités qui servent de base à l’appréciation esthétique doivent avoir leur source dans les qualités du texte lui-même, selon Ingarden. Lorsque Albert Cohen réussit à nous faire pénétrer dans l’esprit oisif d’Ariane d’Auble, dans Belle du Seigneur, à nous faire ressentir son désœuvrement en nous faisant participer aux mouvements incohérents de son imagination, c’est par un style particulier, un rythme de phrase qui épouse parfaitement les mouvements erratiques de l’esprit d’Ariane. La valeur que nous attribuons à ces pages repose sur des propriétés du texte lui-même, propriétés que nous valorisons parce qu’elles provoquent l’effet esthétique attendu. (shrink)
Commençons par le beau: selon Pouivet, on peut et on doit reconnaître un objet comme étant une œuvre d’art avant de l’évaluer. Pour les œuvres dont la saisie demande du temps, cela paraît très naturel. Je n’ai même pas besoin d’avoir lu les feuilles couvertes de signes que je tiens dans les mains pour savoir qu’il s’agit d’un roman ou je peux n’en avoir lu que quelques pages, donc je n’ai évidemment pas besoin de l’avoir évalué. Toutefois, il n’est pas (...) certain que la façon dont j’évalue le roman, au terme de ma lecture, ne change rien à ma catégorisation. C’est un peu comme classer x dans la catégorie des oiseaux en voyant une photo de ses pattes puis réaliser en découvrant une photo de x dans son entier qu’il s’agit d’une autruche: x demeurera un oiseau, mais perdra un certain nombre de propriétés associées aux oiseaux prototypiques. Classer x ce n’est pas simplement le mettre ou non dans la catégorie des oiseaux, mais c’est le mettre à une plus ou moins grande distance du prototype de la catégorie en question. Les œuvres d’art prototypiques sont celles que l’on a tous immédiatement à l’esprit: La naissance de Vénus de Botticelli, La Joconde de Léonard de Vinci, le David de Michel-Ange, etc. Et dans les propriétés les plus saillantes de ces objets, on pense bien sûr à leur beauté. Une œuvre qui raterait le coche de la beauté serait sûrement encore une œuvre d’art, mais elle serait probablement exilée aux confins de son genre. Et que certaines œuvres tentent de mettre à mal le diktat de la beauté ne change rien à l’affaire: si elles essaient de renverser notre conception de l’art en nous choquant c’est que le diktat existe bien. (shrink)
Ce volume d’hommage s’ouvre, après l’introduction des coordinateurs, par quelques pages de reproductions iconographiques (enluminures, manuscrits médiévaux) en lien avec certains centres d’intérêt de C. Marchello-Nizia, suivies de la liste de ses publications, puis d’un récit à trois mains dans lequel Bernard Cerquiglini, Jacqueline Cerquiglini-Toulet et Michèle Perret évoquent la constitution et la vie du Groupe de Linguistique romane (1971-1980) fondé en grande partie à l’instigation de C. ..
Le mot « héroïne » en grec apparaît assez tardivement dans la littérature comme dans les inscriptions. Il s’agit de réévaluer l’apport des épopées homériques à la question de la définition d’un héros au féminin. Jusqu’ici, la problématique historique s’était orientée autour de la question de l’attestation chez Homère de cultes héroïques, phénomène particulièrement florissants au viiie s. av. J.-C., souvent associé à la diffusion des poèmes épiques. Une autre approche consistait à chercher dans l’Iliade et l’Odyssée des traces de (...) cultes rendus à des héros morts ou des preuves de l’existence chez Homère de la catégorie religieuse des demi-dieux. Le problème est ici renversé : partant des caractéristiques du héros homérique, l’objectif est de vérifier l’existence d’un héroïsme au féminin et de souligner les liens entre héroïnes et héros dans les épopées. (shrink)
Prendre pour objet d’étude la violence sexuelle, c’est d’emblée se confronter à plusieurs problèmes de définition. Aucun mot ne suffit à le circonscrire, d’où notre choix de titre, trois verbes : abuser, forcer, violer. Chacun de ces termes est tour à tour trop restrictif car il n’évoque pas l’ensemble des violences considérées comme sexuelles, et trop général car il s’applique à d’autres violences ou transgressions – on peut abuser de la confiance de quelqu’un, forcer un coffre, violer une f...
One dark and rainy night, Yuso sexually assaults and tortures Zelan. In escaping from the scene of his crime, he falls heavily and becomes an impotent paraplegic. Instead of treating his fate as divine retribution for his wicked acts, Yuso sees it as sheer bad luck. He shows no remorse for what he has done, and vainly hopes that he will recover his powers, which he now treats as involuntarily hoarded resources to be used on less rainy days. In the (...) presence of others, he pretends that he has turned over a new leaf. He asks for religious and educational books, hoping to make up for his poor education and deprived social background. But he immediately discards them when he is alone in favor of the pornographic magazines which he has bribed a nurse to smuggle in for him. His deception and various obscene acts committed in the hospital are exposed; by the time he comes up for trial, everyone knows that he is still a lustful, sadistic, and unrepentant man. Most retributivists have a sufficient justification for punishing Yuso independently of the social consequences of his punishment. Two features of the case might cause some difficulties. First, Yuso has already experienced considerable suffering and deprivation both before and after his crime, and retributivists might disagree about the relevance of the suffering to his punishment. Secondly, Yuso is unrepentant, and it is unlikely that punishment will change him. This might, as we shall see, create a problem for those who think that the justifying aim of punishment is the moral reform of the offender. (shrink)
Michel van de Kerchove : une figure de référence de la pensée pénale Tout au long de sa carrière académique et scientifique, Michel van de KERCHOVE a apporté à la pensé pénale des contributions majeures, essentielles et parfois radicales, n’hésitant pas à en bousculer les standards quand il dénonce le pouvoir mystificateur du langage ou interroge l’effectivité des normes juridiques. À travers ses innombrables travaux, il n’a cessé de rappeler l’importance d’une approche critique et interdisciplinaire du droit. Tel est dès (...) lors l’esprit et le fi l conducteur des deux journées organisées en l’honneur de celui qui fut, notamment, une cheville ouvrière de la revue Déviance et Société. La peine est un thème sur lequel Michel van de KERCHOVE a écrit les plus belles pages, mobilisant tour à tour les ressources du droit pénal et de la sociologie juridique, de la théorie générale et de la philosophie du droit. L’ambition de cet ouvrage est d’être une référence sur cette question. C’était l’occasion pour les auteurs de se mettre au travail sous le regard vigilant de Michel van de KERCHOVE, ce qui est peut-être le plus bel hommage qui pouvait lui être rendu. Le sens, la fonction et les justifications de la peine Dans un premier temps, il s’est agi d’interroger le sens, la fonction et les justifications de la peine à travers la littérature, la philosophie et la politique. La peine et les peines sont, ensuite, examinées au regard de l’exigence des droits fondamentaux garantis aujourd’hui dans les instruments universels et régionaux de protection des droits de l’homme. Les auteurs se dirigent alors vers les scènes européenne et internationale où se situent déjà aujourd’hui, et certainement encore plus à l’avenir, le centre de gravité du droit pénal. Les évolutions de la peine et de son exécution Dans un second temps, les auteurs abordent les évolutions de la peine et de son exécution pour interroger l’inflation pénale, la victimisation et le contexte sécuritaire qui caractérisent le droit pénal contemporain. Enfin, en abordant certains contentieux et dispositifs périphériques à la peine, ils S’interrogent le sens et les contours que prend aujourd’hui, et peut-être demain, le droit pénal. (shrink)
Sher's notion of deserved punishment has unacceptable implications. It does not justify punishing some serious wrongdoers, who are unwilling to commit lesser wrongs, more severely than minor offenders. It requires victim-inflicted punishments which repeat the wrongdoings, with the roles reversed. But if Sher moves away from such victim-inflicted punishments, then his theory should treat wrongdoers like tort-feasors who have to pay monetary compensations to their victims.
1. ProlégomènesL’usage de méthodes mathématiques pour traiter de données textuelles a une longue tradition. On se souvient que c’est en étudiant Pouchkine que Markov a élaboré ses chaînes. La linguistique mathématique (qui dépasse de très loin l’analyse des données textuelles) a connu un peu partout un essor important et a fourni des modèles à bon nombre de travaux portant sur le langage (Chomsky, Harris, Montague, …). On connaît aussi, via des mathématiques fort sophistiquées, la profonde in..
This collection of articles and associated discussion papers focuses on a problem that has attracted increasing attention from linguists and psychologists throughout the world during the past several years. Reduced to essentials, the problem is that of discovering the character of the mental capacities that make it possible for human beings to attain knowledge of their language on the basis of fragmentary and haphazard early linguistic experience. A fundamental assumption running through all of these contributions is that people possess strong (...) innate predispositions that are critical for success in this task. (shrink)
This expanded edition of C L Hardin's ground-breaking work on colour features a new chapter, 'Further Thoughts: 1993', in which the author revisits the dispute ...
CHARLES LESLIE STEVENSON, Associate Professor of Philosophy in the University of Michigan, though an American, has an important place in the evolution of British ethics in this century. It was in Mind that his first papers on ethics were published in 1937-8. They had considerable influence in Britain in promoting the emotive-persuasive theory of moral language. The author of the theory that much of philosophy and ethics is persuasive rhetoric, was himself a plausible illustration of his own theory. His breeziness (...) of style seemed to sweep difficulties out of the way. His papers had an unconventionality which appealed all the more to the younger generation of philosophers because it shocked the older. He seemed to discredit critics by not appearing able to understand the archaic language they were talking. The ideas of these early papers were taken up into a book, Ethics and Language published in 1944. The book is more ponderous and indeed somewhat pedantic. In it, Stevenson’s ideas lose in freshness what they gain in professorial gravity. But the impressive size of the book, the number and variety of the examples of moral argument which it discussed, the apparently wide range of the treatment, made the book for some time a sort of bible of emotivism. The book was also important as the first major study of ethics based on the neo-Wittgensteinian slogan that moral philosophy is the analysis of moral language. (shrink)
CHARLES LESLIE STEVENSON, Associate Professor of Philosophy in the University of Michigan, though an American, has an important place in the evolution of British ethics in this century. It was in Mind that his first papers on ethics were published in 1937-8. They had considerable influence in Britain in promoting the emotive-persuasive theory of moral language. The author of the theory that much of philosophy and ethics is persuasive rhetoric, was himself a plausible illustration of his own theory. His breeziness (...) of style seemed to sweep difficulties out of the way. His papers had an unconventionality which appealed all the more to the younger generation of philosophers because it shocked the older. He seemed to discredit critics by not appearing able to understand the archaic language they were talking. The ideas of these early papers were taken up into a book, Ethics and Language published in 1944. The book is more ponderous and indeed somewhat pedantic. In it, Stevenson’s ideas lose in freshness what they gain in professorial gravity. But the impressive size of the book, the number and variety of the examples of moral argument which it discussed, the apparently wide range of the treatment, made the book for some time a sort of bible of emotivism. The book was also important as the first major study of ethics based on the neo-Wittgensteinian slogan that moral philosophy is the analysis of moral language. (shrink)
CHARLES LESLIE STEVENSON, Associate Professor of Philosophy in the University of Michigan, though an American, has an important place in the evolution of British ethics in this century. It was in Mind that his first papers on ethics were published in 1937-8. They had considerable influence in Britain in promoting the emotive-persuasive theory of moral language. The author of the theory that much of philosophy and ethics is persuasive rhetoric, was himself a plausible illustration of his own theory. His breeziness (...) of style seemed to sweep difficulties out of the way. His papers had an unconventionality which appealed all the more to the younger generation of philosophers because it shocked the older. He seemed to discredit critics by not appearing able to understand the archaic language they were talking. The ideas of these early papers were taken up into a book, Ethics and Language published in 1944. The book is more ponderous and indeed somewhat pedantic. In it, Stevenson’s ideas lose in freshness what they gain in professorial gravity. But the impressive size of the book, the number and variety of the examples of moral argument which it discussed, the apparently wide range of the treatment, made the book for some time a sort of bible of emotivism. The book was also important as the first major study of ethics based on the neo-Wittgensteinian slogan that moral philosophy is the analysis of moral language. (shrink)
This paper argues for the concept of a decolonial humanism at the heart of C.L.R. James’s theoretical and political engagements. In exploring the concept of decolonial humanism, the paper moves through three major sections dealing with some of the definitive epistemic and political aspects of James’s work: a critique of Enlightenment Humanism and European Marxism without disavowing the aspirations of universal human emancipation; James’s work with the Johnson-Forest Tendency, the Pan-Africanist movement, and his attempts at labor organizing in Trinidad first (...) alongside Eric Williams in the People’s National Movement and later in his own Workers and Farmer’s Party ; and the practicality of decolonial humanism in terms of its adoption by Tim Hector and the Antigua Caribbean Liberation Movement. (shrink)
A biographical and psychological analysis of Nietzsche's thought, written from a religious point of view. The author concludes that Nietzsche's philosophy is a reflection of four dominant factors: his sickly condition, his sensuality, his pride, and his godlessness.--C. L.
This detailed and sympathetic, but not uncritical, study of On Liberty' argues for the general consistency and coherence of Mill's defence of individual liberty, but maintains that there are significant non-utilitarian elements in his arguments.