Résumé
Des « libertés » proclamées en 1789 à la loi sur la librairie de 1810, les dynamiques qui traversent le monde de l’imprimé constituent encore un des objets les plus originaux pour renouveler l’histoire des savoirs d’une période révolutionnaire riche en bouleversements institutionnels et en mutations épistémologiques. Dans la perspective d’une histoire sociale des savoirs, l’analyse des actions construites par et dans l’imprimé permet de préciser la compréhension des transformations sociales, institutionnelles et théoriques qui caractérisent cette période. Alors que le chantier reste encore largement ouvert, il s’agit de présenter ici quelques jalons d’une analyse visant à replacer l’imprimé au cœur des interrogations sur les mutations des sociabilités, des identités et des productions intellectuelles en Révolution.
Abstract
From the proclamation of the « liberties » in 1789 to the law on bookselling of 1810, the dynamics of the world of print continue to be an interesting and original field of study when one is seeking to gain a deeper understanding of intellectual activity, both from an institutional and epistemological point of view. Because traditional modes of scientific and literary production were challenged from 1789 onwards, the study of printing and publishing can shed light on the social, institutional and theoretical changes which characterized this moment of « transition ». This article, although not exhaustive, aims to put the printing press at the heart of a better understanding of the changes in social relations, social identities and intellectual output during the Revolution.
Zusammenfassung
Die Entwicklung im Bereich der Druckerzeugnisse nach der Französischen Revolution — von 1789 und der Erklärung der « Freiheiten » bis hin zur gesetzlichen Regelung des Buchhandels im Jahr 1810 — stellt nach wie vor eines der aussagekräftigsten Untersuchungsgegenstände dar, um die Wissen hinsichtlich dieser an Umwälzungen auf institutioneller Ebene und epistemologischen Innovationen besonders reichen revolutionären Periode zu vertiefen. Im Hinblick einer Gesellschaftswissenschaft ermöglicht die Analyse der von und in den Publikationen konstruierten Handlungen ein tief gehenderes Verständnis der Veränderungen im gesellschaftlichen, institutionellen und theorischen Bereich, die diese Zeit charakterisieren. Ohne Anspruch auf Vollständigkeit werden hier einige Eckpunkte einer für weitergehende Analysen offenen Untersuchung präsentiert, deren Ziel es ist, den gedruckten Text wieder in den Mittelpunkt der Fragestellungen hinsichtlich veränderter Geselligkeitsformen, Identitäten und Produkte intellektuellen Schaffens während des Revolutionsprozesses zu rücken.
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Jean-Luc Chappey, né en 1968, est maître de conférence á l’Institut d’histoire de la Révolution française (Université de Paris I/Panthéon-Sorbonne). Ses travaux portent principalement sur l’histoire des institutions, des acteurs et des productions scientifiques et littéraires de la période révolutionnaire. Le rôle jouépar les différents savoirs dans les entreprises de normalisation sociale et de construction politique constitue un aspect privilégié de ses recherches. Il a publié sa thèse La Société des observateurs de l’homme (1799–1804). Des anthropologues sous Bonaparte (Paris, Société des études robespierristes, 2002).
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Chappey, JL. Sociabilités Intellectuelles et Librairie Révolutionnaire. Rev synth 128, 71–96 (2007). https://doi.org/10.1007/s11873-007-0004-5
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