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  • Nouvelles découvertes sur les débuts de l’exercice quodlibétique à Paris (avant 1245)Un quodlibet inédit de Godefroid de Poitiers
  • Sophie Delmas (bio)

Les questions quodlibétiques ou quodlibets sont des questions disputées particulières que les maîtres de l’Université devaient organiser deux fois par an, à l’Avent et au Carême. Ils constituent les exercices universitaires fondamentaux durant les XIIIe et XIVe siècles. Selon la définition traditionnelle, n’importe qui (a quolibet) pouvait poser des questions sur n’importe quel sujet (de quolibet) à un maître, devant un large public, même extra-universitaire. La littérature quodlibétique a attiré l’attention de nombreux chercheurs (historiens et/ou théologiens) qui se sont efforcé de faire mieux connaître cet exercice scolastique à travers des monographies et des éditions de textes1.

Dans un article paru en 2012, j’avais fait des ordres mendiants – à travers les figures du franciscain Alexandre de Halès et du dominicain Guerric de Saint Quentin, tous deux disparus en 1245 – les « inventeurs » du genre quodlibétique. De récentes découvertes dans les manuscrits m’imposent aujourd’hui de revenir sur cette question et même de nuancer certaines conclusions auxquelles j’étais alors parvenue2. En effet, [End Page 263] les vérifications faites sur le manuscrit d’Avranches BM 132, évoqué par Nicole Bériou lors de son intervention au colloque organisé à Paris, en février 2014, sur Philippe le Chancelier, m’ont permis de confirmer la découverte d’un quodlibet bien antérieur, datant sans doute du début des années 1230 et attribué à un certain « G. de Poitiers »3. Cet article a donc pour but de mieux comprendre les origines de l’exercice quodlibétique en présentant ce premier quodlibet, c’est-à-dire en faisant le point sur son auteur, sa datation et la forme qu’il prend.

La question de l’auteur

L’attribution de ce quodlibet se lit dans la marge du folio 268v, mais elle reste imprécise en évoquant seulement un « m. G. Pictavensis ». Il s’agit assurément d’un maître originaire, ou du moins lié, à Poitiers. Cependant, son prénom n’est pas développé. Au vu de nos connaissances actuelles sur la prosopographie des maîtres du XIIIe siècle, deux hypothèses peuvent être envisagées pour développer ce « G », soit Godefroid, soit Gautier.

Selon la première d’entre elles, il pourrait s’agir des questions quodlibétiques du maître Godefroid (ou Geoffroy) de Poitiers. On sait très peu de choses sur cet auteur séculier qui fut sans doute l’élève d’Étienne Lang-ton et de Robert de Courson. Il enseigna la théologie à Paris jusqu’en 1231: c’est lui qui, ensuite, se rendit avec Guillaume d’Auvergne à Rome pour trouver un règlement mettant fin à la grande grève de l’université4. Il composa vers 1213-1215 une Somme théologique aujourd’hui inédite et présente au moins dans six manuscrits5. Il fut également l’auteur de questions disputées conservées dans un autre manuscrit d’Avranches, Avranches BM 136. En outre, quatre questions isolées, anonymes, se lisent dans le fameux manuscrit Douai BM 434: O. Lottin a montré que ces questions, dont le sujet est l’intention morale, se trouvaient aussi dans la Somme théologique mais lui étaient antérieures6. [End Page 264]

Selon une seconde hypothèse, il s’agirait des questions quodlibétiques du franciscain Gautier de Bruges. Ce dernier étudie la théologie à Paris sous la direction de Bonaventure. Vers 1267-1269, il est maître régent à Paris au studium generale, puis en 1272, il est provincial de la province de France. Plus tard, en 1279, il devient évêque de Poitiers. En effet, celui-ci apparaît dans certaines sources comme étant « Galterus Pictavensis »7.

C’est cependant la première hypothèse qui semble être la meilleure. Plusieurs arguments semblent aller dans ce sens. D’abord, le fait que soient présents, dans le même manuscrit, des sermons de Philippe le Chancelier qui meurt...

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