Résumé
Cet article s’attache à comprendre ensemble plusieurs types d’épistolarité du XVII e siècle étudiés d’ordinaire séparément: des lettres d’affaires, des lettres de dévotion, des lettres « littéraires », échangées par un réseau d’amis. Observer ces lettres comme des objets mis en jeu dans le monde social selon diverses modalités de publication — dont la moindre n’est pas la circulation manuscrite — permet de saisir une politique de l’écriture épistolaire qui passe, pour tous les scripteurs, par un effort pour faire reconnaître leur capacité dans l’art d’écrire. Il s’agit bien là d’une mobilisation de l’institution littéraire, mais au service de carrières et d’opérations très diverses: il est question du règlement d’un conflit qui divise un ordre religieux, de la légitimation d’un professionnel des lettres, de la mobilisation sociale d’une figure de dévot, de la négociation d’une carrière d’évêque appuyée sur des réseaux mondains. Ces affaires permettent de saisir un réseau social en action, et de mieux situer le rôle spécifique qu’y tiennent les professionnels des lettres.
Abstract
This article aims to analyze together several kinds of XVII th century correspondence which usually are studied separately: business letters, devotional letters, «literary» letters sent and received within a network of friends. In order to understand a strategy of epistolary writing, these letters and the various forms of their publication including scribal publication are here considered as tools used within the social world. This strategy implies, for every writer, an effort to gain social recognition for excellence in the art of writing. Literary institutions are indeed involved here, but put to use to further careers and various other operations. We see, for example, a conflict within a religious order settled, a man of letters recognized in the eyes of the law, a pious individual making his way in society, and the shaping of a bishop’s career grounded on influential social circles. These case studies allow us to grasp how social networks function, and to understand the specific role played by men of letters.
Zusammenfassung
In diesem Artikel werden verschiedene, normalerweise getrennt betrachtete Briefgattungen des 17. Jahrhunderts untersucht: Geschäftsbriefe, geistliche sowie « literarische » Briefe, die eine Gruppe von Freunden wechseln. Die Analyse dieser in unterschiedlicher Form — die handschriftliche ist dabei nicht die geringste — in der Gesellschaft verbreiteten Briefe lässt bei allen Schreibenden das Bemühen erkennen, durch die Kunst des Schreibens Anerkennung zu erlangen. Sie berufen sich alle auf die literarische Tradition, haben dabei aber sehr unterschiedliche Ziele und Handlungen im Auge. So geht es um die Bereinigung eines Konflikts, der einen Orden spaltet, um die Legitimierung eines Literaten, um die gesellschaftliche Mobilisierung eines Frommen und schließlich um die Konsolidierung der Karriere eines Bischofs dank weltlicher Beziehungen. Die Fallbeispiele erlauben uns, das Funktionieren eines sozialen Netzwerkes zu erfassen und die dabei den Literaten zukommende, spezifische Rolle zu ermessen.
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Nicolas Schapira, né en 1969, est maître de conférences en histoire moderne ⦏ l’université de Marne-la-Vallée où il est également membre de l’équipe d’accueil « Analyse comparée des pouvoirs » (EA 3350). Il appartient au Groupe de recherche interdisciplinaire sur l’histoire du littéraire (École des hautes études en sciences sociales/Paris-III). Ses recherches portent actuellement sur l’activité des secrétaires sous l’Ancien Régime. Il a publié Un professionnel des lettres au XVII e siècle. Valentin Conrart, une histoire sociale (Seyssel, Champ Vallon, 2003), et édité avec Mathilde Bombart la Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Éloquence d’Antoine Furetière (Toulouse, Société de littératures classiques, 2004).
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Schapira, N. Le Poète Évêque, Le Moine, Le Financier et L’Académicien. Rev synth 128, 141–164 (2007). https://doi.org/10.1007/s11873-007-0006-3
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