Abstract
Cet article tente d’articuler la conception de l’agir humain dans Jacques le fataliste, à travers l’épisode du Père Hudson. A la lumière de l’ontologie de la trace et de l’impression proposée par Vinciguerra dans sa reconstruction du spinozisme, l’acte-modèle mis en scène à travers cet épisode apparaît comme consistant à écrire, prescrire, contre-écrire, méta-écrire les comportements d’autrui. Les différents niveaux où se déroulent ces phénomènes de écriture permettent de réinstaurer un « là-haut », et donc de justifier la formule de Jacques : tout ce qui nous arrive ici-bas est bien écrit là-haut, dans les niveaux supérieurs de surcodage et de stratégisation des machinations humaines. On conclut en essayant de montrer, en contraste avec Léger-Marie Deschamps, comment une telle définition de l’agir humain permet à Diderot de tenir le pari d’une philosophie à la fois moniste et néanmoins radicalement pluraliste. This article reconstructs Diderot’s fundamentally Spinozist conception of human agency through a close analysis of the episode of Jacques the Fatalist devoted to Father Hudson. This conception is presented as an ontology of writing which redefines agency in terms of scripting, pre-scripting, counter- and meta-scripting the other agents’ behaviours. Jacques’ motto, according to which everything that happens down here was written “up there”, is reinterpreted and proven accurate : human agency has to be approached in terms of a hierarchy of strata, according to the level of meta-scripting which determines the scripted acts performed down here. A concluding section stresses the pluralist nature of this ontology of writing sketched in Jacques the Fatalist