Abstract
Cet article interroge le rapport entre la pensée métaphysique et les propositions politiques de Spinoza. Il soutient, contre une interprétation fondée sur la systématicité de sa pensée, qu’elles ne sont pas dans un rapport de continuité déductive. En étudiant dans le détail l’effort du jeune cartésien, dans ses premiers écrits, pour déduire toute la philosophie naturelle à partir d’une seule idée première, on met en valeur une évolution dans la pensée de Spinoza : à partir de 1664, il semble admettre deux modes distincts de progression – l’un déductif, l’autre historique. On montre alors que ses traités de la maturité s’éloignent progressivement du « déductionnisme » initial pour tenir compte de la variété de divers modes de penser ; cela se reflète dans l’Éthique en une conception divisée entre la « nature de l’esprit », considéré comme rationnel par une nécessité interne, et la « nature de l’homme », considéré comme irrationnel par une nécessité externe. Cette lecture permet de limiter la valeur des prescriptions que les philosophes peuvent émettre en politique.