Abstract
Dans la philosophie de Michel Henry, la pensée grecque semble cantonnée au rôle de repoussoir, certes nécessaire pour élaborer en opposition une phénoménologie, d’inspiration chrétienne, de la chair, mais en elle-même sans valeur. On se propose de montrer que Michel Henry forge dans la patience, et en s’appuyant sur des sources précises que nous identifions, une pensée de la theôria grecque dont la puissance synthétique lui permet d’y reconduire non seulement Hegel et Heidegger, mais encore l’essentiel de la phénoménologie du xx e siècle. C’est finalement dans cette capture de l’être par la theôria (manifeste dès Parménide) que la modernité, dans sa « barbarie », plonge par paradoxe ses racines. Si toutefois il faut contrer la réduction hellénique de l’être à l’extériorité sans vie du monde en élaborant une pensée des Écritures, il apparaît que la Grèce henryenne est en définitive double : ce qu’elle écarte et oublie d’une part, la chair vivante, elle l’éprouve d’autre part et s’y rapporte sur le mode de l’énigme.