Abstract
L'article explore la notion wébérienne de «domination rationnelle» comme outil pour analyser les rapports entre les efforts de gestion des populations indigènes par l'État colonial, et le développement d'une forme spécifique de rationalité scientifique, prenant pour objet ces populations: les savoirs anthropologiques. En s'appuyant sur le cas de l'Afrique coloniale française, on s'efforce de montrer comment les dimensions d'instrumentation (avec la production d'instruments d'identification et de compréhension) et de légitimation sont essentielles dans l'émergence de savoirs sur les sociétés et les cultures indigènes, d'abord au sein des appareils administratifs, mais aussi dans les institutions savantes métropolitaines. L'appui au développement de la science de l'homme se fait dans le cadre de projets de « rationalisation » de la colonisation qui rapprochent des savants et des réformateurs liés à l 'École coloniale, voulant redéfinir la profession d'administrateur colonial comme «spécialiste des indigènes».