Abstract
Pourquoi les lecteurs du Contrat social devraient-ils s’intéresser au chapitre consacré aux comices romains? Dans ce texte encore souvent négligé, à tort, Rousseau s’appuie sur les sources historiques les plus fiables de son temps, notamment Carlo Sigonio, pour se confronter à un problème central de sa philosophie politique : la mise en pratique durable et effective de l’intérêt commun. En termes moins théoriques, il pose une question toujours d’actualité : comment le peuple peut-il participer à la vie publique? Et comment cette intervention populaire dans la politique peut-elle s’effectuer de manière à garantir le maintien d’un gouvernement républicain, c’est-à-dire non assujetti à des intérêts particuliers? Lire ce chapitre à la lumière du récent ouvrage Res publica permet d’en voir encore plus nettement les enjeux théoriques, du fait des convergences saisissantes que l’on peut remarquer entre l’analyse de Rousseau et celle de Claudia Moatti. L’article étudie notamment les occurrences de l’expression « chose publique » dans le Contrat social afin d’éclairer la coexistence de deux conceptions distinctes de la « république » chez Rousseau, l’une définie principalement par le droit de vote des citoyens, l’autre par l’impératif de défendre l’État. Or, ces deux visions correspondent à l’antagonisme que Claudia Moatti observe dans l’histoire romaine. Étudier aujourd’hui l’usage de l’histoire ancienne dans la pensée politique de Rousseau, c’est poser la question toujours actuelle de la compatibilité possible entre ces deux idées de la République.