De bonaventuriaanse illuminatieleer
Abstract
Dans la théorie de la connaissance de s. Bonaventure, la connaissance de Dieu occupe une place absolument primordiale. Elle est appelée innée et constitutive pour l'esprit et son premier objet : primum cognitum. En outre cette connaissance innée est une connaissance existentielle, une connaissance non seulement de l'idée, mais de l'existence de l'être infini. La présente étude s'efforce de déterminer le sens précis de cette connaissance primordiale et de délimiter le rôle qu'elle joue dans notre vie cognitive. La connaissance innée de l'existence de Dieu n'a rien d'une intuition de la réalité divine. C'est une connaissance par similitude. Nous portons en notre esprit quelque chose qui nous oriente vers Dieu, quelque chose d'essentiel à l'esprit qui est « imago Dei » et qui nous garantit l'existence de l'être infini. Ce quelque chose c'est la lumière naturelle de l'esprit, son ouverture transcendentale. Rien d'étonnant alors que s. Bonaventure appelle cette connaissance à la fois innée et constitutive de l'esprit. En même temps il devient clair que dans l'expression primum cognitum le « cognitum » doit être pris dans le sens d'une connaissance virtuelle. Mais ce qui reste obscur dest ceci : comment cette ouverture transcendentale nous donne-t-elle l'assurance de l'existence d'un être infini. Une remarque ici est absolument nécessaire : c'est que le caractère existentiel de cette connaissance n'est reconnu que par une réflexion discursive. Ce qui est innée c'est uniquement la lumière de l'esprit, nous rendant « capax Dei ». S. Bonaventure se rend bien compte que le fait d'être doué de cette lumière ne nous met pas en présence immédiate de Dieu. Elle nous ouvre seulement un horizon illimité mais qui, à première vue, nous apparaît comme le vide infini. La réflexion pourtant nous fera surmonter cette impression en nous faisant reconnaître discursivement cet horizon comme l'apparition de l'être divin en creux. L'innéité de la connaissance existentielle de Dieu doit en outre être sensiblement nuancée par une autre remarque. C'est que dans la réflexion qui nous conduit à Dieu, l'expérience du monde joué un rôle, de sorte que cette « preuve innée » de l'existence de Dieu n'est même pas une preuve purement a priori. En effet, c'est dans les objets directs de ses affirmations que l'esprit reconnaît l'infinité de son intentionalité, par l'horizon infini englobant les objets de l'expérience. Si notre interprétation est exacte, la doctrine de l'illumination de s. Bonaventura n'a rien de singulier, mais garde au contraire toute sa vitalité