Abstract
Il s’agit de montrer que Gorgias avait conçu une opposition structurelle entre une persuasion bonne et une persuasion mauvaise et trompeuse. Il a souvent paru difficile de concilier sa prétention à dire la vérité au sujet d’Hélène et sa description, au sein du même texte, du discours comme indissociable d’une persuasion explicitement dite trompeuse. L’ Éloge d’Hélène serait-il lui-même trompeur, sa vérité ne serait-elle en réalité qu’une δόξα parmi d’autres, puisque le discours faillirait à dire ce qui est? Au contraire, Gorgias évoque « quelque mauvaise persuasion », suggérant que la persuasion, ambivalente, peut aussi être bonne ou neutre : il parlerait principalement d’une persuasion mauvaise associée à la tromperie pour démontrer l’innocence d’Hélène qui l’a subie. Cette persuasion trompeuse fonctionnerait parce que ses victimes méconnaîtraient les faits passés, présents et futurs. Toutefois, le texte suggère que certains individus puissent les connaître. Gorgias en ferait partie : il se présente en opposition avec les poètes, qui estiment détenir leur savoir des Muses mais diffusent des discours mensongers, et, loin de transmettre comme eux un discours acquis d’avance, il a recours au raisonnement, λογισμός, seul moyen d’accéder à une connaissance des événements. Il reste cependant comme les poètes tributaire de la tradition.