Abstract
La référence au Fichte du Discours à la nation allemande est présente dans la double genèse de la social-démocratie allemande, chez Marx-Engels, et chez Lassalle. Cet article revient d’abord sur un débat trop peu connu sur la consubstantialité entre idéalisme fichtéen, unification et renforcement de l’Allemagne impériale, et social-démocratie. Celle-ci, plutôt louée par Jaurès dès 1891, est critiquée par Andler pour qui l’Allemagne, en 1918 comme après, demeure un Reich (et non une république) où la révolution, qu’elle soit bourgeoise ou prolétarienne, est impossible. On examine ensuite la différence, chez Engels puis chez Kautsky, entre leur appréciation du nationalisme tchèque (perçu comme opposition à la domination austro-germanique) et celle du nationalisme polonais (confronté à la Russie), pour mettre en question qu’y soit en jeu « le seul intérêt de la révolution » (Engels), sans égard à celui des puissances « centrales » de 1914. On suit enfin les traces du débat Andler-Jaurès dans un clivage récurrent parmi les socialistes français sur la question allemande et européenne : Guerre d’Espagne, Munich, Collaboration et Résistance, CED, Traité de Maastricht et Constitution européenne. En 1989-1990, la « chute du Mur » et l’unification allemande résultent d’une poussée nationaliste qui, jointe à la dislocation du système soviétique, s’est particulièrement répercutée sur une Yougoslavie détruite sous l’effet d’une politique européenne d’inspiration largement allemande.