Abstract

Un grand nombre de philosophes contemporains de langue anglaise accordent un rôle eminent à l'imagination dans le raisonnement moral. S'inspirant de sources historiques variées ou des développements récents de la psychologie de l'empathie, ces auteurs cherchent à élargir la conception de la rationalité morale et de ce qui compte légitimement comme un argument. Cet article précise deux usages fondamentaux de la notion d'imagination : se mettre à la place d'autrui et imaginer l'avenir. Tout en soulignant la fécondité de la notion d'imagination morale, on en relève également les limites épistémologiques et morales : processus exigeant, coûteux en temps et toujours faillible, l'imagination permet de comprendre pourquoi la narration et la fiction sont des ressources morales véritables mais de portée limitée. Many contemporary anglophone philosophers assign imagination an important role in moral reasoning. Relying on various historical sources as well as on recent developments in the psychology of empathy, their aim is to enlarge our conception of moral rationality and of what counts legitimately as an argument. This paper focuses on two fundamental uses of imagination: putting oneself in someone else's shoes, and imagining future scenarios. While underlining the importance of the notion of moral imagination, it highlights its epistemological and moral limits: because it is a demanding, time-consuming and always fallible process, imagination allows us to understand why narration and fiction are authentic moral resources and why they are limited in scope