Abstract
Quel peut-il être, le rôle de la fiction dans la (re)construction des émotions liées à l’extermination de masse? Et que se passe-t-il au juste, quand ces émotions sont réactivées à partir du point de vue d’un bourreau? En revenant sur les questions suscitées par un cas singulier et symptomatique ( Les Bienveillantes, de J. Littell), puis en examinant certaines critiques affectant la référence à la tragédie antique en relation avec la littérature du génocide, j’essaie de mettre ici en regard deux types de critiques de la notion de catharsis : l’une, contemporaine, qui conduit à la remise en cause éthique des usages qui en sont faits comparant les émotions liées à l’expérience de l’extermination à celles que la tragédie est censée pouvoir provoquer ; l’autre, issue d’une tradition libertine propre au xvii e siècle, faisant planer le doute sur la nature (et la possibilité même) du processus cathartique, et sur les « scénarios paradigmatiques » que certaines tragédies mettent en branle au sein d’une mise en commun de certaines émotions. Un tel détour ne pourrait-il pas conduire à interroger, dans une perspective différente, l’impact de l’art sur notre manière d’expérimenter, de caractériser et d’évaluer des émotions telles que la Terreur et la Pitié aujourd’hui même?