Abstract

J’examine dans cet article le double aspect sous lequel la loi se trouve discutée par l’Étranger dans le Politique : si elle fait tout d’abord l’objet d’une critique sévère au nom d’une science idéale, elle est ensuite réhabilitée à titre de substitut à l’idéal défaillant. Cette réhabilitation est complexe : elle passe par un étrange récit de politique-fiction qui fait écho sans le dire à Thucydide et qui permet à l’Étranger de lier dans un même procès écriture juridique et écriture spéculative ; elle se développe ensuite moyennant une série d’arguments qui insistent sur le nécessaire respect de la loi indépendamment de son contenu et de sa pertinence, mais qui indiquent aussi implicitement la nécessité de lui attribuer une origine mythique dans une connaissance divine devenue inaccessible. Le Politique signe l’acte de naissance de la fiction théologico-politique.I explore in this paper the dual aspect of the Eleatic Visitor’s discussion of law in the Statesman. Although it is at first severely criticized on behalf of an ideal science, it is then rehabilitated as a substitute for the failing ideal. But this rehabilitation is a complex one : it is made via a very peculiar account of political fiction echoing implicitly Thucydides and allowing the Eleatic Visitor to put on the same trial legal and speculative writing. Then it develops by using several arguments, insisting on the necessary respect due to the law, whatever content and relevance it may have, but yet implicitly pointing out the need to confer a mythic origin to law within the context of divine knowledge now impervious to men. Thus Plato’s Statesman pioneers theological political fiction