Abstract
D’un point de vue patrimonial, le célèbre texte des Éléments de géométrie de Clairaut, publié la première fois en 1741, est traditionnellement considéré comme le début d’une riche histoire plutôt que son aboutissement, en raison notamment du succès considérable qu’il a eu dès sa parution et de la manière dont Clairaut en a défendu le projet, en rupture apparente avec le modèle euclidien. Nous proposons ici une image un peu différente qui s’appuie sur la nature très particulière de la production géométrique foisonnante dans laquelle le traité de Clairaut s’insère et doit être compris. Nous présentons tout d’abord le côté paradoxal de l’ouvrage, qui revendique non seulement une grande originalité mais aussi une non moins grande conformité au genre des « éléments » de géométrie spéculative. Nous indiquons ensuite cinq raisons majeures qui montrent que le texte était en effet largement conforme aux attendus de l’époque, y compris dans sa revendication d’accessibilité et de rupture vis-à-vis du modèle euclidien. Nous dégageons deux originalités de l’ouvrage : le fait de confondre les caractéristiques des géométries spéculatives et pratiques dans un seul et même ouvrage ; et le fait d’écrire un ouvrage de géométrie suivant un « ordre analytique », mais sans algèbre.