Abstract
Si les interprétations de ce qu'il est convenu de nommer la « dernière philosophie » de Heidegger sont aujourd'hui monnaie courante, non sans risque d'inflation parfois quand on les lie sans précaution à l'engagement politique de l'auteur de Sein und Zeit, personne pourtant n'avait jusqu'ici pris le risque d'aborder la question controversée du « tournant » de front. Les différences évidentes entre un Heidegger I, parti de la phénoménologie pour revenir à une « ontologie fondamentale », et relevant encore à ce titre de la philosophie, et un Heidegger II, voué désormais à une « autre pensée » réfractaire à l'élaboration conceptuelle, sinon à une sorte de mysticisme poétique, paraissent si tranchées à la plupart des commentateurs qu'ils entérinent sans plus attendre une telle division. Celle-ci a d'ailleurs été accréditée par l'auteur lui-même qui, le premier, mentionna l'existence d'un « tournant » de sa propre pensée, en termes réservés toutefois, sinon énigmatiques.