Abstract
Cet article entend explorer les liens qui unissent le territoire corse et le XVIIIe siècle français. Durant les révolutions de Corse, marquées par la période indépendante de l’île jusqu’à la conquête française (1755-1769), l’île et son chef Pascal Paoli suscitèrent l’admiration des philosophes des Lumières, particulièrement de Voltaire et Rousseau. Pendant la IIIe République, cette référence est abordée dans une perspective d’enracinement de l’idéal républicain sur l’île. En septembre 1889, la Corse vit un événement statuaire d’importance avec le retour en Corse des cendres de Paoli. L’un de ses enjeux idéologiques sera la reconstruction historiographique du personnage, Paoli devenant de façon téléologique et raccourcie le précurseur de la Révolution française. Après 1945, le XVIIIe siècle français est toujours présent, mais dans une tout autre configuration politique. En effet, la période des Lumières se trouve désormais mobilisée par le mouvement nationaliste des années 1970 dans sa globalité (autonomistes, indépendantistes, clandestins, etc). Les citations phares des fameux philosophes concernant la Corse se retrouvent ainsi reproduites sur de nombreux supports (tracts, manifestes), y compris au sein de la sphère culturelle alors en pleine expansion. La moindre publication ou revendication ne manque pas d’y faire allusion, le sujet s’affirmant pour les nationalistes en tant que véritable légitimation de leur projet politique.